27 sept. 2007

[CGS - Épi 2] Devinez l'astre

            Grain de rien, épuisé, renversé, inversé, rien à moi – je suis tout à présent. Et je vais vous le prouver : devinez.
            Arôme et atome ne font pas bon marché, et comme l’un crisse et grille le goût bleuté pour en faire contractions des muscles et moues, comme l’autre s’efface en douceur ! Quelle rumeur sur ma petitesse ? Que j’abatte, que j’affaisse ! Je suis temps et je suis ans ! Je suis plages et châteaux en même temps ! Je suis grès et cathédrales tout à la fois, je suis silice et puis solaire, l'atome de souffrance et celui de la promesse - la défiance par le haut et par le bas ! Rayonnement de la terre, signe et symbole de poussière agrégée, d'érosion et d'accrétion, j’infiltre armures et carapaces, détruis l’une d’une déchirure fatale et sublime l’autre de la parure de la perle.
            Je suis celui qui est le nombre, je suis celui qui est le seul, je suis l’élément aux frères infinis et compose même les étoiles qui seules sont nos rivales, en terme de sœurs inégales ! Je suis opacité et transparence, des dunes les silences, du quartz la brillance ! Je chauffe et deviens verre et deviens glace ! Je gèle et fait fondre et neiges et glaces ! Qui suis-je, oui mais non, qui suis-je donc ? Qui suis-je à la longue : impossible et non ! Un dernier indice, s’il est lisse ? Qu’on me leste une fois pour atteindre l’azur, qu’on me leste deux fois pour endormir l’enfant : je n’en suis pas moins important ! Comment ça, prétentieux ?

              Envieux vous, car je suis encore bien plus : masse, océan, et qui me déplace est un Titan. Je suis légion anonyme. ILS m’ont copié, j’étais là bien avant. Impossible à bouger, on me transporte pourtant sans le savoir. Je m’infiltre et je danse, et j’agace et j’enlise. Ami d’un jour, je reçois à ta place les projectiles mortels – le lendemain te réduit à mourant, à néant, je t’étouffe rien qu’en étant mouvant. Que tous s’inclinent, et faibles s’abandonnent au filtrant granuleux, au ciment des enfants, à l’ingrédient bitumineux, au détail insignifiant qui peut tout faire imploser ! Implorez ainsi ma pitié, car de nous deux, n’est pas grain qui veut.
            Tu te crois grand, fils d'homme, fils de géant ? Tu l’es. Mais JE suis INFINI. Nous sommes plus que toi, avec vos pathétiques milliards que l'on compte sur les doigts d'une main. Car je gravis les pyramides d'un seul souffle et j'écrase les bêtes, les animaux, ces carcasses en devenir.
            Sois orgueilleux de ton sang, tu le peux je le crois, mais n'oublie jamais : à la base, je te construis, je porte la lumière qui te nourrit, et tandis que ma tempête a changé plus d’une fois tes palais en désert, je me coule dans ta gorge si tu me sous-estime. N’est pas le plus petit celui qu’on croit.
            Car enfin, si de nombreux essayistes ont enfoncé leurs plumes dans mon corps radieux, peu n’ont pas desséché dans la foulée, hypnotisés par le silence que j'impose dans mes quartiers : le jour est comme la surface d'un soleil et la nuit, je les mets à genoux dans une gangue polaire. J’aspire l’encre autant que le sang, et je ne leur en laissais assez de l'une que pour écrire leur testament, assez de l’autre pour se traîner loin de moi. Les écrivains, mais aussi les fous construisirent sur moi à leurs dépens (une maison !) – oh, les lutteurs, rétiaires, secutors aux lames froides eux aussi enfoncèrent bien des fois leurs poings éreintés dans mes poitrines innombrables : la vie m’anime alors et se décuple appelant alors de toutes ses forces le pouce renversé, le signe défavorable, dans un chant que les humains n'entendent pas, que seuls quelques chrétiens perdus là ont écouté, dans leur paix surhumaine.
            Mais parfois même je n'attends pas le pouce pour m'exécuter mes victimes : faut faire appel aux corps pions du désert - ils m’obéissent sans questions - et avancent sans échec, attaquant diagonales ! Ces corps pions, bêtes que je hante, seront ton Némésis. Il est là, non, là-bas, mais trop tard : mon dard à moi vengea l’offense que ton assaut fit à une cellule mienne. Mes capsules abrasives, des noyaux, quelle ironie, attaquer l’indivisible, car on dit du quand on parle de moi, la force qui compose et anime la vie du désert, qui habille les vents et les ouragans d’un manteau propre et corrosif, tempête contre ce qui vient à sa rencontre, et rend à la terre en poussière les restes de ses victimes. Je lave, je ponce, j’astique et j’aspire tout espoir, puis la moelle. D’en haut, d’en avant, et d’en bas, les cadavres échoués dans mon sanctuaire (le désert) ne trouvent de moi aucun repos ! Bombardé depuis Hélios ou chevauchant avec Eole, engloutissant ressortissant de Gaïa et guerrier rongeur à la solde de Cronos : je suis tout, simplement (et je suis, tout simplement). Vos bains de soleil, vos mégots, vos pieds nus : je les vomis, aussi fort que j'admire votre nonchalance, l'autonomie de vos mouvements - qui manque à ma perfection - car je ne vole de mon propre gré que rarement : je hante, je crie, j'étouffe, mes voyages innombrables sont sans gouvernail.
            Aussi évident que je m’étonne du mutisme vôtre sur mon identité. Sur mon nid d’entité, je veille au grain ; et si vous m’en voulez, hein, d’une énigme vaseuse, de l’Orgueil poisseux dont je fais mon emblème, vous n’avez qu’une option. Pour me faire taire, une seule : me donner la solution, c’est-à-dire de nommer l’allusion. Me prouver que vous avez un jugement, une once de bon sens, encore une fois : seule option, répondre à la question et comme un gladiateur, mériter sa sortie de l’arène, arène qui est aussi mon nom : victorieux et heureux. Où vais-je ? Partout, vous l’avez compris ! Qui suis-je ?
            Part et tout, à peine saisi que déjà il s’échappe ! Qui suis-je ... Le ça ? Le blé ? Quitte à me moquer de vous et de ceux de votre race, m'en moquer jusqu’au bout : sifflement puis bouche ouverte, lèvres éclosent et bedonnantes pour s’écouler finalement et livrer ma solution en un si bel ensemble de sons. Je suis chanteur des dunes, invisible et omniprésent.

Extrait des Chroniques d’un gr*** ** s***e, Manuscrit 2 décrypté, Devinez l'astre.
 écrit en 2007

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