26 juin 2019

[Poékogi] Des lacis nervurés


Technologie signalétique incarnée dans les circuits de sable fin, en fibres végétales blanchies dans les usines, en tatouages de suc mâché, en pluie de néons versatiles. Tout cela main dans la main, patte dans la patte, tentacules et queues préhensile, muscles des nœuds, membranes nutritives, populations précises.

Cellule périkaryote : le noyau n'est rien sans l'axone (#horizontalité), le membre court-circuite le rôle du centre nerveux (#vicariance), la cellule se transforme selon son milieu électrochimique (#différenciation), l'organe change de fonction selon la météo, le menu ou la salinité (#évolution), et cætera.

Tu tends le cou, des lacis nervurés trahissent une pulsion quelconque : associer certaines odeurs, certains sons, noyer le reste sous un givré glaçage maison. Et le reste se "laisse faire" – enfin, façon de parler : es-tu vraiment la tête vivante et pensante d'une expérience ? Ou plutôt, de quelle expérience es-tu vraiment le.la sujet ? C'est-à-dire sujet.te à expérience, sujet.te à mutations ?

Au plus fort du contrôle, tu restes l'assujettie au monde, le sujet d'expérience : tes instruments croient ouvrir leurs vannes à tout ce qu'ils souhaitent manipuler, retranscrire et copier, mais en réalité, des machineries aveugles s'ingénient à inventer la vision, et le reste conspire aveuglément, mais activement avec ces machineries, afin de te faire tel.le que tu te reconnaîtras. Avec le temps, le mobilier change de taille, de design, de couleur, imperceptiblement et sans retour, ou brutalement et sans demander ton avis.

Les possibles ne sont pas tous des fictions, les fictions sont loin d'être contenues dans nos têtes, nos têtes sont des morceaux : glaise, ions, glu. Pan du Million, continu, concis et mou, laisse "le reste" faire, précipiter l'acide, frelater l'atrabile, cuisiner la lymphe et remplacer le sang, laisse X détourner les fascias, pendant qu'un autre truc improvise tes muqueuses. Si tu peux toucher le monde, c'est qu'il te touche aussi, et à chaque fois, en chaque point : si tu touches le monde, c'est qu'il est toi, aussi, ou plutôt tu es "lui".

Au-delà ? C'est tout pareil, c'est-à-dire tout différencié, suintant, spongieux, opalin... Un peu plus attentives.fs, enfin, à la grande foire. Non pas la foire "aux curiosités", mais celle des curiosités, des intelligences variables, des médiations réciproques, réussies, ratées ou aucune des deux (#naturomorphes). Car les manières d'être déterminé.e sont nombreuses, irréductibles les unes aux autres. Les critères du vivant se mettent à danser : exuvie sous les ondes.

Le continuum entre vie et non-vie ne se résume pas à une ligne continue, mais s'étale sur un plan (#physarum). Cellules, tubes et capillaires sont loin d'épuiser les couleurs et leurs organisations possibles, et ces autres "formes de vivre", de semi-vivre ou d'alter-vivre sont loin d'être privées de manières de sentir, de ressentir et d'exprimer (#inépuisé).

Quelles technologies individuelles, collectives, ou les deux, ou aucun, ou autrement des deux, dérivent-elles d'ici ? de nous ? de là ? Oh

Annihilation, 2018

16 juin 2019

[Jet] 'Lettre Vocale' 03-06-26;00:57GMT1


« ... et la seule chose que je regrette dans la reprise de l'initia– ou plutôt la reprise du contrôle, c'est de ne pas pouvoir lui exprimer l'amour que j'ai encore pour lui. Et qui a même grandi, en un sens.

Contrôler. Je ne sais pas si tu t'en souviens, mais au détour d'une discussion, tu avais fait la remarque : ce mot est devenu tabou, du moins en surface. J'y repense souvent, ces derniers temps. Tu m'as certainement entendu esquiver un réflexe d'autocensure, à l'instant. D'où vient cette idée que le contrôle serait forcément un leurre, ou un réflexe crispé ? Un fantasme destructeur ? Quelque chose d'oppressif et d'illusoire à la fois, alors que les deux sont contradictoires ? J'accueille ton éclairage oblique ;)

Évidemment, je ne peux pas expédier la souffrance. Accélérer le deuil exigerait peut-être que je – exigerait de nous – de se voir sans forçage, pour revenir sur des vieilles choses, tièdes, floues, et même réécrites. Cela demanderait de s'exprimer librement et sans peur, pendant un long moment. Autrement dit, il faudrait que les conséquences du problème soient résolues, pour pouvoir attaquer ses racines. Sans compter que ce sont précisément ces choses-là qui le font fuir, j'ai l'impression, car elles n'ont plus de sens pour lui, plus de résonance subjective – et si c'est vraiment ça, je le comprends tout à fait. Je comprends, mais moi, je n'y suis pas encore – je ne suis pas encore passée au-dessus de "notre" fin.

Je ferais bien confiance à un "lui" ou à un "moi" futur pour s'occuper de ça, mais le contrôle implique que je m'impose – que je me confronte à l'éventualité réelle qu'il ne veuille jamais le faire. Si mon amertume et mes regrets meurent bêtement avec le temps, j'aurais l'impression de trahir ma souffrance et ma peur. Mais tant qu'elles restent actives et intenses, je me flétris, je suis tenté par le ressentiment et la caricature. La situation deviens absurde. Mon "moi d'aujourd'hui" se sent piégée dans une bagarre sans adversaire – only way out is through. Piégée aussi pour des raisons différentes, que d'ailleurs tu connais. Désolé de t'infliger tout ça.

J'en reviens à ta vision du contrôle : tu en parlais comme d'un mode stratégique, adaptatif, un rapport à soi généreux mais sans pitié : ne tolérer aucun déni, aucune excuse, mais se respecter et s'aimer largement. La version strictement personnelle du "Do no harm, take no bullshit". Comment transposer envers soi-même l'éthos relationnel du "free of charge" ? Sans rancune et sans exigences cachées, sans attaches ni remords déplacés. Adults do not play games. L'art délicat de la responsabilité réciproque : the subtle art of always giving a fuck. Punition immédiate, mais pardon inconditionnel, et cætera.

Contrôle de soi, contrôle de la situation. Tu cherchais à intégrer le changement, et les autres – les vraies, les moins fantasmées – dans la tentative la plus exigeante. "Prendre en compte les effets de la tentative sur le changement lui-même". Voilà mon énigme : à quel moment ma persévérance crée ses propres conditions de réussite, et à quel moment elle se dégoûte elle-même ? Si ma tentative perdait son sens et son intention face à mes faiblesses – ou face au temps qui passe – est-ce que le contrôle doit aller jusqu'au "lâcher-prise" ?

Attribuer les responsabilités du mal est certainement inévitable. Nécessaire, même ? Et pourtant insuffisant. Non seulement cela demande une discipline d'airain, mais elles ne valent rien sans la reprise du contrôle. Je ne sais pas ce qui sortira de cette souffrance et de ces regrets, mais je fais mieux qu'improviser. Je ne contrôle pas tout, mais je le sais, et j'y échoue moins mal.

Il me semblerait plus sain que la difficulté ne se dissolve pas, même si l'on ne se reparle finalement jamais. Tu sais ce que je pense de l'identité : personne ne change, sauf quand le cerveau est touché... c'est-à-dire tout le temps, à divers degrés. Hmm, pardon ? C'est ta théorie ? ;)

Pour le moment, je voulais te remercier encore une fois. Pour ton écoute – et ce process. Merci pour ta photo, délirante, qui m'a fait beaucoup rire. C'est toi aussi qui m'aiguise et nourrit mon regret envers lui (!), c'est-à-dire mon désir de découvrir d'autres personnes, et les aimer sous des formes peu inintéressantes.

Il m'arrive encore de voir un casque et de penser 'abrutissement', 'voile', 'mensonge', et de porter le casque invisible : ventriloquer les autres, les accuser, se donner des excuses face à elleux, ou au contraire, les laisser choisir la facilité et les regarder tomber sans prévenir.

C'est ça, moins que leur petite taille, qui empêche de voir que les électrodes et les caméras sur les côtés du casque te sont aussi fidèles que des rétines, et que tu t'apprêtes quand même à conduire une Dodge sans les yeux, pour une raison invisible sur cette photo, la raison pour laquelle les photos te sont restées invisibles si longtemps, et que tu connais si bien les torsions du pardon et du temps.

Fait quand même gaffe à celles de la route, et dis-moi si tu penses qu'il faudrait vérifier ou modifier le code d'une mise à jour !

Bonjour à Kael qui va aimer apprendre à aimer le siège passager <3,

Yours »
— Wendy Thorzein, à Joan V., 'Lettre Vocale' 03-26-21;00:57GMT1, Transcription autoVERA