17 oct. 2017

[Poé] Rhubarbe crue



Aller jusqu'au bout
Terminer avec la pelle usée
Quand ça va mieux, se replonger un peu
Pour être sûr-e
Pour être sûr-e qu'il n'y a pas pire
Vous voyez
Vous aviez encore quelque chose à perdre
Et puis sortir la tête en souriant (ou non)
Tous vos alter egos autour de vous
Tous vos anti-fidèles inattendus et loyaux
Présents même lointains
Faire le pontage coronarien avec les ustensiles de cuisine
Et s'asseoir
Enfin
Mastiquer une botte de rhubarbe crue (dîner)
En discutant chimie et parfums avec cette fille
Une longue journée
Vous êtes allé-e jusqu'au bout


Rhubarbe crue, ou l'amitié au bout du tunnel
Lausanne, oct 2017

11 oct. 2017

[Apz] On the weaponization of language


"It is not enough to mark language as a target and to use it as a tool [to protect and promote objectivity]. [...] We have to surgicalize the weaponization of language, and diversify"

"When language is a minefield, invent semiotic helicopters"

— Wendy Thorzein, 'Tools of Posthuman Rhetorics
Symposium', 2020

1 oct. 2017

[Jet] La voie obscure (1) TEST TEST FLOW


TEST. TEST. CECI EST UN TEST SON & SYNC.

Picture some dude health goth standing in d'woodz. Ts' nite, ts' dark all 'round n' y'dn' see nodn'. Dude's start talkn' shit in'iz ead 'n sm' weiiird lingo. Yo' chek it oot or' noot

J'approche les deux oreillettes et les retiens à distance. Entre le pouce et l'index, je les tiens serrées à la base du cou, comme deux petites vipères. Elles piaffent, crachotent déjà leur jus immortel et percussif. Rien qu'un schéma, rythme étouffé, couleurs fantômes : une partition sèche ou un squelette qui danse, qui claque et se contorsionne, une version murmure-enragé, déjà très familière et très évocatrice, mais rien d'équivalent à ce qui vient. Pas encore mis les écoutrisses. Crachotent à quelques centimètres. Puis. J. Léz. App. Roche. Ah. Ww. Les. Coule, chacun-e et simul. Tanément, au creux des aurifices :


Hellooooooo. Le fluide syncopé m'envahit tout d'un coup – pris corps – épeux, voluminant, déversé dans les recoins de mon crâne, imbibant tout, baignant la vie entière dans un bad, bad groove mol et métal (so hip, k-pop, jay-spot, don' stop, etc.). Double morsure et venin en continu. J'ouvre lentement les yeux, et c'est maintenant l'espace entier – depuis la moelle des choses, qui meurt et renaît éternellement – l'espace entier qui vibre et qui pulse et hoche du fondement et valide. La forêt surchargée qui cesse d'être une forêt – bop bop – les restes d'un mur païen quelque part, qui ne renvoient plus à rien d'autre qu'à leur propre démence – bop bop bobop – toute pseudo-minérale, les objets noirs et les objets profonds – bop bop –, les fondrières, les monolithes moussus et fracassés, les insectes volants, rampants, sauteurs et l'air drapé lui-même : tout le monde approuve ma ziq et bop la "tête" les pédoncules et les antennes en rythme et 'duh!

Coz iff yo not agree widduz dark uni-verse, 'en okidoff. Ye$s sir, 'uhs't nok'd off!

Get back, tout est plongé dans l'ombre, tout est black slime ou mat /səˈblʌɪm/, chimie et rampage facial sans hiérarchie ni dominant-e – ce n'est pas un fantasme ni une vue de l'esprit : c'est un sophistiqué reboot mental – et le champ de la maîtrise qui ne débouche sur aucune supériorité, aucune propre-importance, aucun contrôle, aucune appartenance aux causes ni aucune possession des effets – la pure maîtrise des effets de changement, toute préférence rétractile, pavillon et shotgun du moment, pur plaisir amoral des rythmes et des formes qui s'invaginent, pur plaisir de l'intervention – La lala – maximale ou minimale, pas la question –

Revanche du placébo sur les amphés, du corps athlétique et cérébré sur l'idée qu'ils seraient incompatibles – alliance poussée entre cortex et trapèze, biceps et hypophyse –, confusion des clichés, revanche des gros-ses qui bougent à la vitesse de l'éclair et des perches qui mouvent au ralenti, revanche des asexuel-le-s extravertie-s et des "nymphomanes" du secret, des inventeuses qui grimpent aux arbres et des rhinos qui planent en faisant des maths – La lala –, et revanche contre rien ni personne si ce ce n'est l'illusion des schèmes et de la vengeance, tout marqueur d'équilibre absent (rien n'est too much ni trop peu, ni extrême, ni superficiel, ni harmonieux any more : tout est égal, tout est intéressant à son tour et tout est permis sauf l'ennui), bref le rush sans entrave, de facto toujours rather experimental – La la lala, bam bam

La pure maîtrise des effets : elle repose sur la pointe d'une épingle, nécessaire... et illusoire : les "lois de la nature", ces stocks de régularités modélisées qui me font l'amour tous les soirs et que je fous le dos au mur, pour les apprendre tous les soirs, en solo, en dépense physique et en beat – ces "lois" que je fous le dos au mur, sauf qu'il n'y a pas de mur, et c'est le vide qui fait office de balle dans cette roulette russe, quand le vide arbore la floraison du possible, l'arbre du million des possibles, le seul partenaire sexuel auquel je ne renoncerai pas, le seul sexe qui me fasse arracher les rideaux –

Tout émet – oh my! c'est quoi ce truc ? –, tout essaime – wow, crazy fungi –, tout est sciure, dont chaque copeau et chaque poussière, complètement folle et mégalo, se voit pulvérisé-e ou compacté-e dans un nuage sans précédent, rapide, lent (référentiel ? none), tour à tour midtempo, downtempo et nightcore, l'œuvre d'art pour le fun – le mien ? pas sûr, la puissance fuit de tout côté, elle me vient du dehors – mode principal : why not? oh, just no déjà-vu or déjà-fait – yes sir – tout est géant, génial, tout est matériau inquiétant (et moi d'abord : vous m'éclipsez), tout est prédatorial, tout est noirçure à digérer et "je" fais clairement partie des composants, ou plutôt du compost : l'identité est un déchet friable et (un) peu fertile, une coquille comestible, une pelure (trop) acide... – oh yeaa niou song 


Un million de points de vue oublient qu'ils sont profondément incompatibles et nés de chaque instant, éphémères : ils communient dans mon rêve sombre et sonore, lubrifiés par d'la bonne (keski, c'est d'la bonne) graisse auditive. Plasmode orange dessus : aveugle, exubérant, motile. Regard furtif d'un kinkajou féral, en contrebas. Ampoules de Lorentz : crépitent dans le museau des raies. Sporophyte à l'envers et rhizome de fougères. Caché, polype sans stade méduse, virage à 190°. Tout près, polymathe en détresse. Sporanges des algues rouges. Troncature de l'œil d'une libellule. Etc. DumDum. Wuzwuz. Kzkzkzkzkzk.

Renfonce tes mitaines, étire ton dos, craque ton échine, balance tes pieds, quelques passes, changements d'appui, au hasard, quelques sauts. Super-pouvoirs mon cul. Fatigue, normal. Tu veux la drogue ? Non merci, pas besoin

Mon crâne me fait déjà l'effet d'une plateforme de forage dont l'équipement usé pointerait vers l'extérieur, prise dans la canopée sphérique et tempétueuse de Jupiter ou un truc. Mes cavités oculaires, ressenties comme deux espèces de cônes de circulation invertis, deux congélos en entonnoir, creusés dans la chair d'une autre dimension – apparemment non-euclidienne – sur la paroi desquels se reflète un second ciel étoilé, sans constellation identifiée, au fond desquels une forêt sous-marine de cellules réceptrices ripaille au ralenti. Appendices négatifs, puits de lumière pour ondes déboussolées – lumière noire et boîte de Pandore : l'autoroute va dans les deux sens. Rappel mnésique en temps réel, ou modèle ultra-condensé. Rémanence extrême et superpositions. La mémoire lâche les amarres, enfonce le casque 'IMAGO' et propose librement au monde ses mutations plus vraies que nature, stimulantes, hallucinées

Les mains deviennent des espèces de tentacules fractales, sans dessus ni dessous, sans paume ni arrière, l'index donne lieu à un joli bouquet de stylos Bic incurvés qui vivent leur passion et s'expriment où ils peuvent (et frissonnent de plaisir quand ils ont terminé une phrase, comme certains chats comblés de gratouillis), le pouce perd le nord et se dilate jusqu'à devenir un genre de brume hypersensible (imaginez : vous sentez ce qui traverse votre "doigt", les variations texturelles de son intérieur et ses températures intimes, au lieu d'en sentir le contact en surface), et dans mon abdomen, je sens quelque chose qui organise des combats et des orgies, et les jambes n'ont plus du tout leur forme d'origine...

I've imag'nd a hundred ruh' legionz. I revelled in' ey' rites, cosmog'nic storeez and thee-o-logical sea-stemz. Deel wid' em' 'err noot, ts' yur moov. Nod or nokmei' ov, c'z oy dunf' okinkeir boot' dem' kendem' nationz yo

Je bouge, je hume, je trace, je m'éclate, je transperce, je grasp, je suis ingéré. Liqueur sous forme de procédure, alcoolémie instrumentale : techniques et outils de l'ivresse productive. Parcours de la santé mentale, la grande santé, celle qui rime avec la chute des illusions et des idoles, des garde-fous. Fermente, fermente vélocément mon encéphale, pendant que tu conserves tout et couve bien d'autres gâtisseries égoïstes, généreuses et globalement riches en trauma. La voie obscure dépasse la possibilité d'un nouvel érotisme. Sade renâcle, Bataille a bien creusé, Maylee aime et aime et aime. Laisser-aller, concentration, nouba zen et mnémo-reptilienne. Devenir-amour douloureusement silurien, solitaire, sans récompense. Aimer le ténia. Le bulldozer qui rase la vieille patinoire. Embrasser le bras en moins. Le baiser (infectieux ?) de la chauve-souris. Les éruptions cutanées, les acouphènes, les brûlures : souffle, respire, ce n'est que toi. Ce n'est que toi. Facile à dire. Personne n'est obligé-e d'essayer, évidemment –

Accroupi-e. Je halète, en sueur. Je brûle et je caille. Humus et pause, normal. Bientôt exit la ziq. C'est le moment. Remplacée par la présence et le rite. Shape, focus & discipline. Le silence et la sensation insupportée. Mais pas encore. Vagues scélérates et dernières salves d'abordage électro. La musique a servi son office. La musique est un vêtement à manger, un bain-repas, une labiale concassée par seconde, qui se tortulle et s'emmagasine sans se calmer, sans cesser de copuler avec les nouvelles venues, parfois des monstres, ou des éclopés, toutes les notes sont invalides et comme jetées par-dessus l'épaule, sur la roche Tarpéienne, d'où elles commencent à remonter la pente, zombesques, glaçouriantes, averse déstructurée ou lame de fond, etc. La musique, c'est un carambolage et une orgie où les générations naissent et ne meurent pas, mais participent avant de se fondre dans la fresque globuleuse à l'arrière-fond. Le final, dans un instant. Du moins, phase finale du conditionnement, de la préparation. Suis prêt-e –

Mon corps se tend : la voie obscure n'a rien de nocturne (éloigner tout badaud, si), elle s'ouvre à celleux qui savent élaguer leur-e corps et s'abandonner. La combinaison de mouvements obscènes et cannibales que je déferle sur les alentours. Le blasphème comme talisman ou videuse à l'entrée, un sigil comme plaisanterie protectrice ou plutôt sélective. La noirceur ? du jeu, de l'apparat. L'abyssal ? de l'instrument, de l'altérité radicale. Ainsi commencent mes rituels et leur signification résolument infra-religieuse, proto-religieuse, dans le ballet des possibles, entre les cuves du savoir, avec les sabres et les haches et les lances que sont les valeurs : mon imagination en acte, en cet instant, à cet endroit, et rien au-delà, si ce n'est le jeu léger de la conquête de l'univers, à savoir l'invasion perpétuelle de mon cerveau par le reste de l'univers et les conséquences que l'on sait –

Ne suis rien que l'item numéro 3 de la 9e recette. Om mani padme hum touça touça, l'équivalent martial et nietzschéen. Je "danse", médite la résistance de l'air et l'odeur de cette nuit. Ceci n'était, n'est pas la voie obscure – ceci un test, un test son et flow, un pauvre texte (et non "la chose"), un genre de vocalise pour mon Endymion, qui sera hors les mots, faussement élitiste et totalement déchaîné, fuck it, i'm down and dry but I'm so highh
~ ... ~
La voie obscure (1), TEST TEST FLOW
mai 2017, repris sept 2017

(Ben quoi ? Je cesse d'écrire comme si le hip-hop n'existait pas, et qu'il ne pouvait pas être cérébral)