30 janv. 2012

[Apz] Quatrième échappée

.
Encore des propositions hors contexte, qui dévient de plus en plus le projet de départ et se rangent de moins en moins sous le nom d'aphorismes - des vanités ? Pourquoi pas !

* *

 L'académie frappe d'anathème ce qui la dépasse, comme dans "ça me dépasse"

* * 

Le contemporain a toujours effrayé les vieilles chouettes du savoir

* * 

S'il y a du confort, je ne travaille pas bien - mais s'il n'y en a pas, je ne travaille pas bien non plus
Soit il s'agit encore d'un équilibre impossible, soit je suis simplement paresseux

* *

La sagesse populaire est papoue en Nouvelle-Guinée et papale au Vatican

* * 

La révolution, c’est comme une fête mondaine, plus elle s’éternise, plus ça-génère

* * 

Être seul à être seul, c’est un comble

* *

Goût, verre, nez ? Mmm, je note : travailler l’œnologie entre politique et analogie

* *

Quand le "même" de moi-même se perd, alors "moi", sans repère(s), est perdu d'avance

* *

Les appâts rances ne sont pas trompeurs

* *

Nous connaissons par ce que nous avons connu, et en cela nos abîmes nous meuvent au quotidien, et le quotidien meut nos abîmes, les modifie !

* *

Du nouveau, du déjà-vu, en art, ça n'est pas la question - et "d'authenticité" non plus : il s'agit de couteaux : anciens, nouveaux, il s'agit surtout de les tirer

* *

L'original tire son épingle du jeu, car il cesse d'y jouer la compétition, la maîtrise, pour lui fixer des règles nouvelles. Qui le suivra ?

* *

Des pianos dans les coins, des sofas, des enfants et la fête naît où chacun sert car il se sait servi

* *

Des bras m’en poussent

28 janv. 2012

[Poélovée] Tout prêt

.
Je suis l’amour non bouclier
Tout moribond
Tout prêt à se battre

À conquérir
Sur la masse inhumaine qui
Jamais ne quitte mon destin

Conquérir la promesse
A croire, si la main est serrée
Tout prêt à lever la herse

L'espoir laissera tomber
Sa vieille tunique de souvenir
Le signe de vie suffira

Moi l’amour garde-fou
Que l’on enjambe facilement
Et l’on ne fait que ça

Tout prêt à la parole
Et
Tout prêt à se taire

Sûr du filin lancé
Harpon tenu à deux mains
Pour se hisser là-haut

Je ne suis pas l'amant
Vermoulu
Plus seulement !

De sang-mêlé, d'initiative
Adouber le bâtard amoureux
À genoux

Je suis l’amour non bouclier
L’aveu connaît les aspics
Dans le panier

L’amour non-bouclier
Survit à la morsure
Prêt à bondir

Tout prêt au pire, prêt
Au sacrifice choisi
Tout prêt à tout
                                                                     réécrire ?
Moi l’épée immobile



26 janv. 2012

[Kogijet] Peri-ocypodidae

 .
Réfléchissons à notre vie, à nos savoirs, et à la forme du changement 
Par l'image folle et un peu inquiétante
L'image réelle et vue et magnifique

D'un crabe qui mue
* *

Mais avant
Retiens tes feux, retiens ton fer

Tu n'es pas si sûr que l'illusion nécessaire, fragile et composée qui soutient ton discours de valeurs soit plus belle que celle qui soutient le mien ; et je parle ici de toutes les dimensions de ton réel sensé, quotidien, scientifique ou relationnel et "humain"
Tu n'es pas sûr non plus que la différence ne l'ébranle pas, ne l'étouffe et ne drague ta mesure avec lui dans l'abîme
Tu peux l'ignorer, feindre même qu'il s'agisse d'ignorance, mais non prétendre ou préjuger correctement
(Il me paraît que le vrai lui-même n'a pas eu l'audace de l'univocité, en soumettant les signes et les indices de multiples correspondances, ayant l'autorité et les preuves, mais "rien à prouver")

Lire n'est pas anodin, et l'on ne peut précisément pas prendre la mesure d'une lecture
Quand cette lecture risque à changer le cadre de mesure, et le sens de tout ce qui a été lu
Et le sera
C'est là que se trouve la différence

Nous avons l'intuition de l'étrange à son approche, et parfois le désir de l'étrange ou du danger
Mais pas une mesure, précisément, je le répète, et nous désirons là ce que nous ne connaissons pas
Et ne connaissant pas ce que nous désirons, nous pouvons à peine dire que nous désirons

Envers ces a-bjets qui excèdent le tableau, le cadre solidifié ou la carapace
L'ouverture n'est pas un plaisir facile, et envers les objets qui ne l'excèdent pas
Ce n'est pas ouverture mais application ou bien aménagement

La mue dont il sera question ne peut dégénérer en une injonction, mais reste un fait nouveau, sa marque, un événement, non sans similitudes avec la mue soudaine (ça prend aux tripes)
Moment étrange et vertigineux, rarement un acte

Si c'est un acte, il est risqué, par définition aveugle sur lui-même, tout rétroviseur inutile
Risque d'alien nation, d'en être rejeté : la mue recrache un monstre

« Je suis ouvert », « j’aime l’autre » : ne se dit vraiment
Qu'au travers d'une mue
Donc rarement

Vrai juste avant ou juste après, être ouvert n'est jamais gagné d'avance

Tu me diras que le doute, le "pas sûr" n'exclut pas le jugement, qu'il commande, au contraire - qu'il commande sans condamnation, sans fermer l'affaire

Et nous sommes pris dans l'affaire des plages, des pentes et des traces
Langages en creux - comme c'est banal ! mais refaisons le plein d'évocations - en restes

* *
Pris

Dans l'affaire des marées, du reflux, des saisons
De multiples manières

Pris dans l'affaire des mues, non intentionnellement, ou peu, par désir liminal
(Le rire de mouettes se dérobe à ceux qui l'imitent
Comme Nietzsche à ceux qui le suivent ; ce tout-sauf-père qu'ils prennent beaucoup comme père)

Dans les courants ou les sentiers dunaires
Nous avons des récits et des projections, des cachettes
Mais revenons aux bestioles

Hors de la zoologie, qui ne s'occupe que de fonctions et de critères, jamais de seuils
Et de contuinuité, différence inframince
L'obscurité ou la dérive, les spasmes du changement, les invisibles gonds de l'avenir

Pris de panique à l'idée que le crabe puisse muer
Machinalement, quand la carapace est devenue trop étroite
Non pas trop exiguë (ce n'est pas un vêtement serré, c'est soi-même et l'objet de son oppression à la fois, malgré l'image de la chitine, de χιτών)

Comprimé par lui-même !

La limite ou la frontière de la structure se modifie par l'arrivée d'objets à sa périphérie
Toujours, mais généralement, les objets prennent place dans des nœuds bien constitués, bien connus
Et les modes et dimensions du sens (dont les sens) changent doucement
Petites perceptions, vaguelettes nouvelles mais reconnues, impliquées sans résistance
Le squelette permet la vie, le déplacement du crabe

Bientôt nous abandonnerons l'analogie, mais avant

* *

Il arrive que surgissent de nouveaux rapports de valeur et d'intensité
Ou que ceux-ci se déchirent et s'éclipsent

Le squelette se contracte et se plie, sa souplesse est grande
Structurelle
Mais pas infinie

Les oursins de renvois (ou variétés temporelles, selon le schème de Husserl), les coraux de significations
Les réseaux d'algues et d'évocations, de courants chauds, de fonctions
Dérangés, déplacés ; lorsqu'un pôle nouveau et relativement isolé ne peut plus être ignoré, quand des liens sont arrachés, d'autres font basculer le noyau

Quand la carapace qui est le crabe
Au temps venu (non voulu), l'arthropode n'en peux plus et se sépare de son squelette
Le perd, se recule

Exhibe au vide alentour le mol cartilage qui d'après l'exuviation
Dans la mue, la carapace n'est pas remplacée par une "peau"
L'exossature fait son retour

Nouvelle constellation et nouveaux dessins, on ne saurait plus dire ce qui a changé
(Car tout a changé, même le langage - les mots pour dire n'existent plus !)

Et l'eau de la mer sature l'intra de sels
Les sables et l'irritation et de mer vont durcir l'armure, à nouveau, déposée en son temps en un lieu

Symbole axiomatique de la vie

Chitine du sens et du passage

Squelette blanc
Qui


N'a rien à voir avec ce que je viens d'expliquer
Et ça m'inquiète

Je ne comprends pas


. 2012

20 janv. 2012

[Poékogi] L'autre ville

 
L'autre ville promise est cachée quelque part – dans la nuit, les chantiers, à vélo et à pied, j'explore, je soupçonne qu'une ville se cache dans la ville – où ça ? où ça ?

Me promener en vélo dans une rue déserte, ou comment invoquer la matière des clichés, matière première, matière fertile aussi nommée atmosphère. Rage créatrice, tu n’es pas. Nous puisons plus ou moins bien dans des nappes de pétroles et d'essences.

Alors qu’aucun regard vu ne me voit, personne me change en pierre, je suis descendu de mon vélo que j’ai laissé en arrière, au milieu de la route, au milieu de la rue. Je m'agenouille, je me mets maintenant le ventre à terre, face contre terre, craquelée d'asphalte, et je lèche le béton de la ville. Bras contre le corps, paumes vers le bas. La ville, sous elle, non, à l'envers, je sens déjà une autre ville...

En récompense du baiser inattendu, le béton me transfuse ses sentiments quotidiens : la chaleur des frottements, chaussures et rollers ou pneus ou chenilles ou pattes chatouilleuses des pigeons, les marteaux hydrauliques, la désinvolte acupuncture de la pluie, les embouchures de vent à l'oignon qui grésille, les égoûts me travaillent, le poids des murs – indécent –, tous les murs et piliers porteurs qui forment un dessin beau et bizarre, un tatouage tactile pressant (les points de compression sur la surface de symétrie planaire !).

Et l'absence constatée de caresses, le bruit qu’elle emmagasine sans jamais crier, heureusement – et pourtant, pieuvre docile et joyeuse ! Le béton me transmet ses piliers dans la roche et l'assise qu'elle est à elle-même. Je ressens comme la ville et cela fait comme une autre ville – et j'y plonge... Flux et constellation de stimuli, je me fonds à l'envers de la ville. Un vélo seul renversé, le cycliste a pris la fuite ? Une ville en-dessous de l’autre ville, qui n'est pas au-dessus ? Un ville qui vient toujours avant les bœufs ? Une autre ville retroussée, ou plutôt la même ville retroussée, qui montre sa pulpe assouvie plutôt que l'enveloppe quotidienne qui crache des ombres ?

La ville éclatante, lumineuse – je crois que je la saisis enfin – non pas comme aérienne et paradisiaque, mais comme décentrée, autre part – paradisiaque est de la fratrie d’aphrodisiaque, c’est de la simulation ou encore de l’or – l’or isolé empeste, sa couleur pure tourne à la tête, toujours de l’or des fous, toujours une image, une récompense, un mirage. À quoi bon l'or, si l'or n'est pas le reste du reste qui n'est pas l'or ?

L'odeur de la fumée du temps dissoute en l’air. La fête, la fête car ils sont de retour, les noms, danse et liesse pour l’arrivée de galions qui ont coulé, qui ont échoué ici (étrange ?). Les galions qui ont déjà coulé une fois ne sont-ils pas ceux (les mêmes) qui retrouvent un nom ? N’y a-t-il pas identité dans la vision, plutôt que dans les atomes, quand un homme et un galion sont déjà faits du même système immatériel ?

La ville n’est pas une ville au sens où vous entendez ce mot (alors qu’il est écrit), alors que s'élèvent les voix d'une ville disparue sans avoir jamais été là, mais vous savez de quoi je parle, c'est la ville que vous aimez sans le savoir, ce sont les voix du pays où vous demeurez. La ville telle que vous ne l'avez jamais sentie : sans les vies éparses et au fond inconnues de mille paires d'yeux vivants et/ou aveugles, dehors les rires, à la frontière des pas de course et à l'envers de la contre-plongée de la misère qui gratte – je vous parle en somme de la ville brute, la concrétion totale des trajets et moments lucides, l'enveloppe non-vécue qui soutient le vécu de la ville, le négatif, le moule des corps humains, donc imprégnée d'humaine condition, condensée dans des ères – un fruit maturant qui mute aussi – en-deçà des urbanismes, sous l'abstraction de l'écosphère...

Vous y êtes : l'élémental de ville, cette autre ville sans songe mais songée, purement objective, quand la "vraie" ville vécue – frappée du brouillard quotidien – est aussi songe, et songe plus vague encore !

La ville hors du temps, les rues en sentiers, les processions à la torche dans la nuit claire, sous les patios de silence et braseros blancs, sans un chemin alcoolique ni jeté aux dés, aucun chemin non plus guidé par des poignées de raisons. La ville que je reçois ici et maintenant est un seul chemin, et elle dit deux sens qui ne sont pas des directions : 1 l'unité relative des pôles, la continuité des transferts de mouvements, ou l'attirance et la répulsion comme principes du devenir ; 2 la dérive ou l'errance du côté du temps vide, l'unité utopique ou absolue, c'est là que se trouve l'autre ville, la non-Babylone, où créatures et galions sont leur signe à la fois.

Là où émane un atoll de sensations, mes bras et mes mains et genoux et le front, il n'y a plus de trajets, plus de lieux ; mais je vis des airs changeants que sont les saisons absorbées, qui induisent des transformations cycliques et cycloniques dans l’esprit, je nage, en somme, dans les algues et les fils barbelés, tentures, drapeaux, murailles, véhicules volants reliés entre eux par des sons et des regards, câbles de métal ou langues et lanières de dureté variable... Et reprendre le chemin du monde et des sons tonals – à égale distance des syllabes, des cris et du bruit.

La ville que l’on rêve toujours de bâtir sans le savoir, est bâtie dans les reflets de celle-ci, comme un gant dont l’envers passe inaperçu (car il adhère à la main à l’intérieur), devient la ville où je bois en secret, volée, transparente et concrète – aucune barrière, je trace, des traces, j'arpente, je fonce, galion de Thésée entre les quais de gare désaffectés, les tours de sable rouge aux digicodes et jardins suspendus...


Tel-Aviv

15 janv. 2012

[Poé] Le cou du temps (les mains autour)


Le souvenir a la peau abrasive
Pourtant solitaire, squale dont l’œil ne cligne pas
Se déplace en meute allusive
Comme cet œil glauque, le souvenir boit
Se délecte
Se délecte
Au ruisseau des abysses

Le temps perdu a la peau lisse
Comme les serpents du bois carré
La peau lisse comme une huile
Comme les boas ocellés d’or, le temps glisse
T’enserre
T’enserre
Pour ma part je m’exile (dans un sursis)

La parole bout, la parole se déverse à l’intérieur
En tourbillons et en tempêtes, sur elle-même
Dans la chambre des heures
Son rythme chaotique sur la croûte qui se fêle
Craquelle
Craquelle
Des mots inconnus s'entre-tuent ! Dedans !

Ouvrez-moi ça et enrôlez les survivants !

Le cou du temps (les mains autour), 2012
 

Le cours du temps, tel un Boa arc-en-ciel,
ou un Python fouisseur





8 janv. 2012

[Poé] Laisse ça, et prie


Dis-moi les murs de nos cités
Terminant le jeu de miroirs
Dans lequel je suis pris à m’y perdre
Et de mon plein gré

Séduction générale et désirs
Excavant l’amour en secret
D’être un Tybalt, d'être une Deirdre
À en perdre l’esprit

D’un temps indécis et d’inerties
Polymorphes, saines, partagées
Laisse, prie et bientôt sentira sourdre
Et l’amie, et l’espoir