20 déc. 2018

[Poékwot] Never again the same (James Tate)


"Speaking of sunsets,
last night’s was shocking.
I mean, sunsets aren’t supposed to frighten you, are they?
Well, this one was terrifying.
People were screaming in the streets.
Sure, it was beautiful, but far too beautiful.
It wasn’t natural.
One climax followed another and then another
until your knees went weak
and you couldn’t breathe.
The colors were definitely not of this world,
peaches dripping opium,
pandemonium of tangerines,
inferno of irises,
Plutonian emeralds,
all swirling and churning, swabbing,
like it was playing with us,
like we were nothing,
as if our whole lives were a preparation for this,
this for which nothing could have prepared us
and for which we could not have been less prepared.
The mockery of it all stung us bitterly.
And when it was finally over
we whimpered and cried and howled.
And then the streetlights came on as always
and we looked into one another’s eyes —
ancient caves with still pools
and those little transparent fish
who have never seen even one ray of light.
And the calm that returned to us
was not even our own."

James Tate (c), in Shroud of the Gnome (1997), disponible en ligne
:

8 nov. 2018

[Jet] D'un calme brutal (/ Comme un-e autre)


« C'est déjà une sensation bizarre de réaliser que la statue est en réalité un dragon, alors qu'on vient de la caresser négligemment, avec une tendresse blasée, en tant que statue. C'est encore autre chose de réaliser que la "statue" n'a pas bougé parce que c'est le dragon, curieux mais retenu, ni s'imposant ni offensé, parce que ce serait ça, un dragon [...] ?

Une chose douée de l'avant-dernier degré de la brutalité mentale, émotionnelle et sensitive, qui fait sans arrêt tout le chemin inverse en elle-même, sans apnée, dans la respiration d'une seconde nature ? Une chose dont la paix ressemble à un vortex, une force irrésistible qui tourne parfaitement sur elle-même, réinvente ses formes circulaires sans perdre en intensité, sans déborder ni se retourner contre elle-même ?

Une chose sûre de sa force, et trop intelligente pour se croire exceptionnelle – à raison : les dragons sont million, avec et sans visage – ? Une chose qui doute de ses faiblesses, qui a cessé de s'en battre, de s'en faire des alliées ou des excuses ? Une chose qui ne croit plus au mérite, consciente que tout le reste l'a faite telle qu'elle est, mais incertaine sur les formes à venir, qui ne se pose jamais aucune limite, laissant le futur antérieur dévorer celles qu'elle n'aura pas su déborder ?

Une chose qui a pu reconnaître l'objet de son déni, le plus désagréable, a dû apprendre à désamorcer sa tendance défensive à la rage, au drame, à la panique ou à la fuite, sans le moindre plaisir ? Celle qui est revenue faire face aux autres dans la même expédition malgré la blessure égoïque, la honte, sans le mettre en avant, toute prête à réparer ses torts et faire le taff ?

Une chose qui n'a jamais renoncé aux autres,
moitié pour les mêmes raisons moitié pourquoi faire simple, dont le jugement et le pardon sont toujours à l'affût, sagaces et inventifs, insubmersibles, adaptatifs, proportionnés ? Une chose qui se traite soi-même comme un-e autre et considère les autres comme des soi, dont l'exigence brûlante est une proposition intime ou un sourire de défi, dont l'indulgence est repos amusé ou piège tendu ?

Une chose qui a cessé de se craindre et, par conséquent, se désintéresse de ce qu'elle est pour se fondre dans ce qu'elle peut devenir, devenir grâce à d'autres, une chose qui peut négligemment caresser une statue, savoir qu'elle s'est trompée, sentir que si la pierre était tiède, ce n'était pas sous l'effet de quelques heures de soleil, mais l'effet de surface, accompli, stabilisé, d'un autre brasier luxuriant et banal [...] »

— Eirin Wassem-Tórild, 'Mes ennemis menacent de disparaître', 1999, inédit (trad perso)

12 oct. 2018

[Poé] And of course, I've been sleepwalking


I've been
Tethered to the ceiling

Ocean bed, up there
All the living memories
I want to share
All your faces, smiling

All the people I met

They've seen, or did they
Seen through — somewhat
Or did they just

Of course I've been — somehow
Sleepwalking

A light brush, à peine

A caress, dismissive or
Willful that is deep down
Afraid (that's bold! that is afraid?)

I've been

Falling upward again
Ocean bed, up there
Good morning dear, à peine
Even though you're not here
Now I can sleep again

Tethered to no ceiling

'And of course...'
, october 2018

25 août 2018

[Jet] Abu-limbo, me suis trouvée perdue


Checkpoint arabe surmâle, regard Ray-Ban au racisme policé, mis en scène. Charité faite aux négligeables puces de mon Passeport et de ma Carte. Passe-droit temporaire, visa précaire pour VISA plafonnée. Bloquée en zone tampon, no woman's land, calendrier lunaire, Shariah surprise, essuie-main pakistanais, retour case couloirs circulaires. Terminal en ogive fini mes dattes, mon Lindt défiguré. Tachycardie devant le stand Rolex (le même ?). Fumarium sino-malais(e). Apnée spirituelle. Accoudoirs anti-somme sans sommation partout. Dans les coursives tropicales, j'abandonne la boussole. [?]

Dehors, mon hypothalamus n'en croit pas ses yeux : il est minuit, voici un soleil au zénith, tout est normal. Mon troisième vol est avancé à hier, mon deuxième retardé à demain. Mes yeux contredisent ma mémoire : le soleil n'est pas une boule mais une langue d'acier à blanc qui torréfie un tiers du ciel. Ma peau ajoute : des mers de gaz fondu y pleuvent à l'envers, au ralenti, en continu. Météo de la nuque : pluvieuse, puis brune, risques d'épluchement. Aéroport-mosquée. Hôtel-colonne, 31e vertèbre. Coffre-fort digital, brunch thai. Surveillance rapprochée. Si vous y prenez garde, les nervures du marbre montent et descendent à la fois. [??]

Le temps se ferme sur lui-même comme l'exuvie desséchée d'un petit crabe : je l'écrase dans ma paume et je l'ingère, nostalgique. Force tellurique, le marché fait éclore le désert, qui lui prépare en retour un mausolée aveugle et sans pareil. Et quelque part au-dedans de ce cirque (inhumain, seuls qui en valent la peine) me suis trouvée perdue, hors sentiment de l'un ni désir de l'autre. Dans les coursives un instant et soudain, on ne m'a pas même trouvée disparue

Eirin Wassem-Tórild, Abu-limbo..., 2018
 

19 juil. 2018

[Jet] CONSEILS IMMÉDIATS POUR SAÏMIRIS TRISTES OU VINDICATIFS-VES


Respiro
À fond, débloque mon petit diaphragme et gonfle, retiens mon souffle et expire de manière prolongée, 4-7-8' sur les doigts ou 6-9-10' sur les doigts-des-pieds, pi me-débouche le canal avec de l'eau-de-source

Tena
Me l'impression que mes épaules peuvent en porter autant, peut-être y-même plüs, quand je les relâche et que j'assouplis mon petit cou, détena, détena moù

Douchu
À l'eau chaude puis à l'eau tout-glacial, au début, fin ou bout-en-bout, qui bouste mes images de lâcher-prise, de rugiement, et mon système imunitür

Orti
Toujours préférer la sortie de troupe, de quand je-ne-suis-pas-sûr-e, pisque éj-peux toujours partir si les cris des autres y-deviennent trop aigus ou trop répétitof-tof-tof-tof

Dédusion
Rien n'est normal ni anormal pour un-e saïmiri wôke y awäre, oh le normal m'enchaîne la tête et les pattes, alors me débarrasse de telle-celle illusion, trop singe dès qu'elle me cesse d'être utilü

Miroi
Me reviens ici souvent, un lieu-dedans, qui terrifiant avec la vérité, avec le singe-moi sans regard du dehors, avec l'amour no-stress, personne-peuve-piller, avec plein de cadeaux et sans pitié

Muan
Toujours été content-e après avoir changé de mes fruits préférés, d'images et de ritulles, mais n'est jamais facile, continuer de l'essayer, joli zéro pointu idantité

Ourirou
Me quand je force mon museau à sourire dans le vide ou le métro, me trouve ça un peu bête, et ça fonctionne, ça fait sortir-mùir le rourirou

Guirir
M'assume d'abord la mienne de part, petite ou grande, pi me-défends du singe violent ou de la sapajou qui blesse en essayant de ne pas lui ressembler, pi faire-justice, ou pardonner tout ça viendront après, ou pas, y me-défendre sans re-blesser toujours toujours bien plüs luisan

Canopé
Me souvenir, si j'urine bien mes pattes et mes mains elles accrochent mieux, et les autres sentent que j'ai déjà mangé les besta fleurs et les joufflu chënilles de celle-ci branche, et me souvenir, tous les chemins en-mènent à encore plüs de chemins



15 juin 2018

[Poé] Toute baignoire


Toute baignoire est illusion

L'eau qui vient de nulle part
Le sale
Le savon qui bave
Le transfert de gloire
Le propre
Le chaud
Le cerveau qui râle
Le trou qui avale ça
Le corps qui pèse un million
Le froid
Et surtout
La paroi
Intérieur / extérieur
Zoo-land Entropia
Ou porcelaine skate-park

Je vous l'avais bien dit
Nous
Nous
Baignons dans l'illusoire

Et c'est bon
Qu'est-ce que c'est bon

Toute baignoire est illusion, juin 2018

28 mai 2018

[Quasikwot] "Je suis Yxunomei." (Icewind Dale)


Des aventurières de la région de Luskan sont mandatées pour retrouver la trace d'un puissant artefact divinatoire qui protège la frêle présence humaine dans les contrées hyperboréennes de l'Épine Dorsale du monde.

Dans les tunnels ténébreux d'une montagne vénérée par les grands serpents Yuan-Ti, les apparitions déroutantes se multiplient : une fillette au tein pâle semble poursuivre les héroïnes et les menace, avant de disparaître à nouveau. Ancien sortilège ? Âme perdue ? Daimon vindicatif ? Avatar divin d'une parèdre en mal de fidèles ?

Le tunnel chthonien débouche soudain sur une salle éclairée, immense et somptueusement meublée. La petite fille se tient au centre de la pièce, enserrée par une débauche de corps serpentins, de bras, d'exuvies et de luminaires. Au fil de son ultime dialogue avec les aventurières, elle révèle sa véritable forme...

 

« — Nous sommes à la recherche d'une pierre unique. Quoi que vous soyez, nous ne cherchons pas à vous déranger : plus vite nous l'aurons trouvé, plus vite nous pourrons partir de votre montagne.

— Oh, c'est bien cela qui pose problème. Voyez-vous, la gemme est en ma possession, et je me réserve d'en user. Simple ingrédient, mais plutôt rare, en effet : catalyseur de l'effloraison dystocique à venir. Ce monde n'est qu'un champ de bataille parmi d'autres, pris dans une vendetta qui vous dépasse. Renoncez donc.

— Nous venons au nom des habitants de l'Épine. Vous n'aviez pas le droit de dérober leur patrimoine.

— Votre tentative d'intervenir dans les évènements qui se déploient autour de vous sont comiques, tout au plus. Vos motivations sont si... simples, comme toutes celles des êtres de cette planète. Mais je choisis de m'abaisser. Je n'ai aucun désir de remplir le rôle de "monarque" : je prépare simplement le retour d'un ennemi ancien, et me contente de placer les germes de sa chute dans le cadavre de votre monde, comme je le fis pour tant d'autres.

— Silence, cryptique prophétesse de malheur ! Assez de mensonges. Nous ne sommes pas des femmes naïves. Où est la pierre ? Tout ce que je vois peut saigner, et tout ce qui saigne peut mourir !

— Vos notions d'honneur, de panique et de douleur sont ici insignifiantes, comme les notions de mâle et de femelle, qui ne me concernent pas. Vous ne connaissez pas le rôle des pores de votre peau, et les circonvolutions de vos nervures vous sont inconnues. Lorsque vous grattez la coquille de votre monde, vous arrivez au mieux à faire suinter un peu de philosophie : celle-ci se révèlerait être corrosive, mais vous peinez à l'appliquer. Il vous faudrait ronger votre réalité jusqu'à l'os pour espérer entrevoir la mienne. Mon sein abrite de véritables usines de vérité. Leurs danses sont si étrangères à vos consciences que les ombres des premières suffiraient à faire fondre les secondes.

— ...

— Vous êtes si fiers de barboter un instant à la surface de la boue primordiale, mais cette fierté elle-même reste tiède. Bien vite, vous étouffez, pourrissez, puis disparaissez comme les millions d'autres. De petites crevettes, parfaitement ignorantes des pachydermes célestres qui sculptent vos rivages et vos lignées entières. Et mon essence participe de tels astres obscurs. Lorsque je cille, une marée infernale inonde cent nations idéales, cent citadelles de pensée dans leurs cosses de vide. Par mes édits, je fais pleurer les dynasties de cristal : nuages de sarin et de bonheur. Car il s'agit d'une lutte de principes. Une campagne cosmique au profit de vérités fondamentales, des océans de conviction s'écrasant sur des dogmes de basalte, entraînant le devenir spirituel de mondes entiers, de mondes qui ont osé renier leurs origines, si contrairement à celui-ci ! Car je vois des formes miroiter dans la glèbe la plus commune de cet univers : la lumière du plus petit scorpion n'est pas si insignifiante qu'elle ne filtre à travers le grand océan que vos sages les meilleurs nomment "chaos originel". Mais les éons qui m'appellent contiennent leurs propres pièges, et je ne peux souffrir de déviation.

— Que, quoi... Non, c'est impossible !

— Je suis Yxunomei. Je suis soldate et dévouée, subtile et magnifique, toute prête à remercier et demander pardon, lorsqu'une perfection supérieure vient à éclore. Le broiement passé des grains futurs vit ma naissance, et encore longtemps après ma disparition, je bercerai le blé noir de mon foyer inverse, en vue de semailles dont les conquêtes présentes sont la moisson. À présent : flétrissez. »

 ★

"Dialogues d'Yxunomei", traduit et profondément adapté du script d'Icewind Dale, Advanced Dungeon & Dragons (Royaumes Oubliés), Interplay, 2000. Image : Lilura (screenshot).


15 mai 2018

[Kwot] Very far from understanding


"This was the first time that he had ever looked into the labyrinth of the human soul. He was very far from understanding what he saw...


... For the understanding of the soul's defencelessness, of the conflict between the two poles, is not the source of the greatest song. The source of the greatest song is sympathy"


Halldór Laxness

in Sjálfstætt fólk ("Independent People")


14 févr. 2018

[Apz] Fukken Millenialz




Nos corps sont modulaires, nos consciences auto-entraînées

Notre écologie est multicolore et nos amours aussi

Don't rain on my parade, moi l'hypocrite – concerned, unapologetic

Nous sommes faibles, nous le savons et nous avons

Du fukken pain sur la fukken planche (ou pas)

'Fukken Millenialz', 2018

15 janv. 2018

[Poé] MILLION


They came to me, demanding compliance
I took the knee in hidden defiance

I kissed their seal, played show-puppet
Carried their banner, and my sword

Carried out their will. What I harbored
Was not ready to emerge yet

Obedient and treacherous Xe who hastens
The advance of self-
defeating plans

False heir to their folly, mistook my zeal
For piety. They didn't catch the irony

As I outlived them all: their rotten

Wall, their mortal gods, their ashen

Throne. It was budding: sickening mold
A ravenous c
horus of things to come

And here it blooms: I am dark

Bryony, I am the garden and the lark

That which sees beyond beauty or decay
The porous Xne: gold, teal, vermilion

No more hiding: otherness found a way
For I am MILLION