7 août 2019

[Kogi] Sens, illusion et préférence


Nous sommes
Récipiendaires anodins et réels de l'illusion du sens

ce dernier n'est réel que tant qu'elle subsiste
mais
ce dernier est réel tant que celle-ci subsiste

et bien que condamné
le sens aura été, quoi qu'il arrive, réel, actif et possible

Le fait même de "sauver" la réalité partielle et relative du sens est motivé par une préférence pour l'existence du sens sur son inexistence... une préférence pour le salut d'une préférence possible, en quelque sorte rendue éternelle par son statut réel, ou sanctifiée par son statut permis, bien que ce qui la permette ici (sa relativité) soit aussi ce qui la rend amère

Si les trois derniers mots de la phrase ci-dessus nous rassurent, nous mettent du baume au cerveau, cela nous montre que la compréhension rationnelle de l'absurdité ne suffit pas à instaurer son emprise sur nous de manière pratique et émotionnelle : le fait de comprendre que le sens, la morale, les préférences, etc. ne sont ni nécessaires, ni universelles, ni éternelles, ne suffit pas à dissoudre la préférence fondamentale (biologique ? animale ? humaine ? culturelle ?) pour "un" sens

Pourtant, cette compréhension n'est pas non plus sans effet dissolvant, et même carrément corrosive : bien qu'elle ne rende ni fou ni indifférent, elle peut faire perdre le nord à toute boussole axiologique spécifique, autrement dit : il devient difficile de choisir, il devient difficile de se forcer, il devient difficile de juger négativement, et les moments de réflexe intuitifs, pour sauver mon intérêt ou pour le sacrifier, sont eux-mêmes nimbés d'une sorte de désintérêt

Bref, la valeur a beau être comprise comme une prison haïe, une demeure étrange ou un palais rassurant, ce qui ne change jamais, c'est que ses rares fenêtres ne peuvent pas s'ouvrir de l'intérieur, et que ses murs sont invisibles de l'extérieur