30 sept. 2007

[CGS - Epi 7] Quand la mort précède la naissance

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                 C’est après un jour entier d’agonie que petite voix est revenue. Elle m’a parlé d’une eau qui soigne, à moi qui ne rêvait que de ma mort. Je lui disais que personne ne crée le sable que le temps, et elle, me disait qu’ils étaient tous façonnés d’une forme propre. Ma forme, ma naissance, je m’en souviens, et j’ai pu vous en parler, parce que j’ai perdu ma nature sur la route aux lions.

                 Apollon le beau lion m’a séduit par le grain d’hellébore, avec une plume et un papier, il avait le visage du dieu athée, libre et sensé, l’air ultra lucide. Quand j’ai signé : il m’a mordu. Ses lèvres cachaient des dards noirs. Il m’a mangé les bras, mangé la tête, m’a craché dessus, il m’a fait tout ce bien-là et puis m’a dit : « Vois comme ton esprit le mérite ! Vois dans mes yeux ta crevaison ! Tu n’es qu’un couteau planté dans les gens ! Qu’un atome pourri qui pue et je te hais, remercie-moi pour ça, je suis le seul qui m’intéresse encore à toi ! Ma langue salée va lécher tes plaies et te rendre dur comme l’acier, froid comme le démiurge, tranchant comme un rasoir sur une gorge, comme un ravin létal sur une piste de danse, et sucré comme l’absinthe au bord des lèvres de la morte ! C’est ton dernier espoir de ne pas disparaître ! Prosterne-toi et crie ! »
                 Mais petite voix m’a parlé paisiblement, et Apollyon n’arrivait pas à couvrir ce murmure de sa saumure ... Elle a lentement retiré les rapières enfoncées dans ma poitrine. Elle commençait à panser mes plaies, m’a souri avec tristesse et m’a dit fermement de penser le pardon. Elle n’était pas niaise, et elle ne me ménageait pas. Elle m’a giflé, comme un gosse, pour enlever l’ombre d’Orgueil. Mes yeux se révulsaient en la regardant, mes pores se révoltaient sous la légère pression de ses mains. Elle devait s’en aller, et était revenue. Vous qui lisez, ne jugez pas. Vous ne savez rien. Vous n’êtes pas juges et votre cœur, si vous ne l’avez pas encore rencontré, vous réserve de telles crevasses. Petite voix n’étais pas toute à moi – pour ne pas que j’y voie une concubine, pour ne pas que les images de film, les images de romance et de pluie me reviennent. Pas une fois elle n’a laissé entendre qu’elle venait pour elle-même, ou pour nous – ni pour moi... Elle était déjà au service de son roi... Et dire que moi... Je lui disais cela ?

                 Lorsque de ses lèvres les mots s’échappaient, j’ai senti qu’elle n’avait pas de difformité : ses paroles reflétaient son cœur. Consciente du danger, elle était vraie. Humilité sans humiliation. Grande, et rayonnante... Son attention m’a répugné : une injustice, une folie, une bassesse, pire qu’une erreur. J’ai senti que même dans la presque mort, mon orgueil blessé ne voulait pas être aidé.
                 J’étais comme au bord d’un gouffre immonde et familier, connu, aimé, creusé à force d'armures et de combats, de valeurs comme des haches et des élites, un gouffre exhalant mon haleine, ou l’obscure profondeur de l’orgueil et du désir d'indépendance.
                 Il y a eu le combat, très lucide, non contre la peur de ne pas être sauvé, ni contre contre la peur de ne pas être aimé malgré toute cette comédie musicale, vraie, mais fausse... Un combat pire encore : un combat pour admettre que le tragique n’avait pas raison d’être, qu’il était l’incarnation ultime de mon orgueil – ce tragique de la mort et du refus. Le cœur du problème, ce n’est pas « pitié, pardonne-moi pour ce que j’ai fait », mais plutôt « pardonne-moi parce que je m’en fous profondément »... M'aimes-tu malgré la comédie de la repentance ?

                 S’avouer la défaite était déjà difficile, je devais vomir toute prétention. Rôtir au soleil pendant un millénaire, et enfin apprendre la patience, l’obéissance ... l’amour. Toutes ces choses dont je n’ai jamais voulu m’embarrasser parce qu’elles me rendaient vulnérables et semblables à des centaines, des millions d’autres, je croyais. J'aurais préféré mille fois une peine à purger contre l'indépendance, une indifférence du ciel à ma douleur, des raisons de révolte. Devant le possible ouvert par la voix, je pris peur : je n'avais rien d'assez violent à opposer à la douce dépendance et au renouveau qu'elle implique.
                 J’ai crié au pardon, j’ai crié à petite voix de me dire, si me voyant, dans une transparence de fait, forcée par son intelligence, elle ne se trompait pas ! Elle m’a assuré qu’elle vivait aussi grâce à cela, qu’elle avait connu mes plaies, qu’elle avait vécu mon enfer, qu’elle allait déverser la vie dans un vase d’argent. Devant le remède inespéré, qui peut croire ? Petite voix continuait à parler : elle porterait mon choix. Elle a pansé mes plaies et plus que tout le sel de la terre, elle a donné un goût au tout. Un goût paisible qui surpasse tout plaisir d’avant, exigeant, qui promet, qui annonce un avenir et non pas... soi.

                 Elle est allée trouver son maître, sur les chemins où je l’avais meurtrie et humiliée. Je restais à lutter. Je refusais d’abandonner. Je me sentais légèrement mieux, je voulais petite voix... Et j’ai compris qu’elle ne reviendrait pas avant que j’aie accepté d’être seul : de perdre, tout, d’être récupéré par d’autres bras, entièrement. J’ai résisté. J’ai lutté. Puis j’ai cru. J’étais seul. Et j’ai dit : « D'accord, c'est vrai, peut-être, mais je ne te promets rien... j’abandonne. Je ne fais plus rien, tu es là. Tu m'aimes ! »

Je crois, je n'y crois pas

Tout ce temps attendu - et tu m'as attendu - le premier à me voir
Autre intime !

                 Les crochets, les cornes et les dents, les mâchoires accrochées à mon corps ont fui. L’assurance, les pleurs de joie, l’envie de voir petite voix qui me vois, dans cet état, moi passé de sable en chair, de chair à... je ne sais pas ? Effondré de lumière ! Est-ce possible à décrire, seulement en partie ??! Je ne crois pas ! Mais quelle VIE. Cette faiblesse qui me gagne n’est rien de moins que ma force, car elle laisse enfin de la place à l’autre tel qu’il est Autre. J’attends le retour de petite voix, toute ma confiance dans un appel, cri du damné. Je la vois revenir, armée d’un sourire ! Ses couleurs ont changé, elle a pleuré ? Et le miracle est là ! Je m’écroule de bonheur, mon cœur de pierre en fond, une sensation si enivrante, mon infirmité disparaît et ç’en est fait de moi ! Je suis sujet du Roi. J’ai changé d’élément, Les mots qui viennent semblent passés, si kitsch, si laids, mais pourtant, je les invente à cet instant, je les crée !
                 La reine-mère a donné le sang précieux que le roi-juge attendait, pour les détails techniques – à peine devenu cette eau à laquelle j’aspirais, le soleil me fait bouillir et je souffre atrocement de douceur – tous les grains du désert attroupés autour de moi crient ma folie, ils m’accusent et haïssent mon nouvel être : je ne leur en veux pas, leurs yeux sont comme aveuglés par la poussière. Poussière que j’ai dans l’œil, et je pleure de joie – petite voix ne quittera plus cet état de matière – je retourne à l’éther du réel, j’y suis tourné comme un guerrier qui sait où ses armes sont forgées continuellement : parole et regard. Et je reste plongé dans le désert du réel, mais une source coule en moi, qui ne s’arrête plus, je pleure. L’eau pleure bien, elle aussi, seulement ça ne se voit pas. Je suis un grain d’eau qui s’élève : la douceur d’être adoubé, la douceur d’être fondu comme un métal puis purifié – pas comme les hommes et les femmes ont cherché à le faire. Qui a dit que ce serait l’ennui, la perte de soi ? Je suis plus lucide que jamais.
                 Petite voix à mes côtés, je suis porté vers les nuages plus près du roi radieux – mon vieux cauchemar devenu tout mon bonheur, un honneur, un amour. Mon cauchemar d’avant : me perdre, et ce que j’abhorrais : des tas des niaiseries d’amour débile – pourtant c’est moi qui parle et ces mots sont les meilleurs pour dire ce que je vis. Ils sont neufs, comme je le suis, relié pour toujours à l’élément éternel. J’étais grain minéral parmi la multitude. Puis j’ai choisi des mains que j’ai souillées de sang. Mais ces parents que j’avais menacés, la mère que j’avais frappée au visage, le père qui est Dieu Autre, m’ont désigné comme leur fils : je suis larme du ciel. Une vie s’est achevée, mais la mienne commence ici.


Extrait des Chroniques d’un grain de sable, Manuscrit 7 décrypté : Quand la mort précède la naissance
écrit en 2007

[CGS - Épi 6] Le fleuve de feu


            Saleté d’Arizona. Pays de rêve, enfer du réel. Je ne compte plus le nombre de jours passés le long du serpent noir. Cela fait trois hivers que je ne m’en approche plus : trop chaud, trop noir, trop seul. Cette rivière d’asphalte, c’est à la fois mon sauveur et mon Némésis, comme le bateau qui passe au large de l’île du naufragé sans le voir et sans le happer.

            Mon île à moi, c’est ce désert et ce sont ces plaines vierges à perte de vue. Le chant des nuages (ils sont fous, décidément), ou la danse silencieuse des rochers. Ma vue se brouille souvent. On me joue des tours... Je ne vais pas leur faire la joie de devenir fou... C’est trop tard ! La route est rectiligne et trace un sillon étrangement droit.
            Absence de référentiel ou vorace linéament ? J’ai souvent l’impression que la terre est une dune vierge ceinturée seulement par cette route absurde qui se mord la queue. Et je marche à côté d'elle, incarnation ratée, velue, défigurée, d’une puissance supérieure poussée par sa folie (un seul grain suffit, et elle vous pousse à faire l’irréparable : devenir humain !)... Le venin du serpent qui se montre comme ça, c’est de siffler à chaque instant à ta mémoire – ton imagination, elles ne font qu’un : menteur ! – tous les navires à explosion qui pourraient la naviguer, cette cascade intense, tout en n’offrant que sueur et attente : ô cruelle marée noire qui n’emporte que ceux qui sachent te chevaucher.

            Je vais te faire la peau, faire taire ton béton débile et racial de radicelle génitaire, générationnelle, non génitale ni génétique. Que les noirs se réveillent, ceux morts pour te creuser dans le désert. Je divague, restons concentré. La concentration, pas le sommeil, pas le délire, pas la colère. Je suis meilleur... Décider d’arrêter là cette poésie vicieuse qui, mauvais ersatz à la soif grandissante, ne fait qu’enflammer encore plus mon esprit.
            Je me retourne pour observer la distance que mes pieds moulus ont parcouru depuis le dernier tumulus de sable, et m’impose le silence. Moral. Silence moral. Amoralisme. Nietzsche enflammé poursuit mes pas, il me fait peur, cet enfoiré, avec son zénith noir indifférent, bardé de boucs sans tête et de taureaux sans cornes. quelqu'un tient les manettes à la roue géante qui s'arrête - son erreur...
            Comme une réponse inespérée (peut-être du béton qui s’est senti insulté ?), un nuage de fumée grise apparaît au loin. Il grandit vite, et grandit bien. Un auto-stop, la fin du voyage : me lancer dans la mère. Alors en l’attendant, me tourne vers vous, vous qui lisez... Précision précision : vous avez remarqué que je cite mes pieds, et qu’à présent je peux m’adresser à vous, en face... Depuis quand les grains de sable ont-ils des pieds ? Et depuis quand écrivent-ils des chroniques d’ailleurs, pour des lecteurs qui ne sont ni du même monde, ni de la même race ? Car le sable a un langage, plus ancien que vos vibrations aériennes et vos tracés laborieux sur des arbres prémâchés. Arenaglyphe, ça vous dit quelque chose ? Laissez tomber. Si vous me lisez, c’est bien que j’ai pris soin d’écrire dans le vôtre, à moins qu’on m’ait traduit, mais sachez que le sable ne trahit pas ses secrets aussi facilement que les pierres de rosette (foutue granodiorite, faussement solide, vraiment futile, livrer son corps aux hiéroglyphes... c’est de la prostitution sacrée, si vous voyez de quoi je veux parler).

            Je me suis incarné. Et j’ai bien eu raison, je vous surpasse – mon règne a été court, il finit dans ce désert. King for a day, car même l'Ange de lumière doit s’accroupir sur du solide et ne pas mentir, quelque fois - le mensonge et sa torsion intentionnelle ne peuvent constituer un Royaume caché. Il y a de l'ordre aux casernes de l'enfer. Il y a des lois dans les villes infernales, sous-marines et lunaires, comme l'aliment de l'entropie et le furieux froid qui médit sur son corps mutilé de perfection, la paresse des incubes.

            Voyons la suite ensemble... Le nuage gris s’approche. Comment me suis-je incarné ? Comment un cube minéral a-t-il fait pour... infiltrer un humain, féconder une humaine ? Mystères banals, toutes ces questions qui se auront peut-être une réponse quand les ronces seront rouges, quand mes songes seront mousses et les flics à mes trousses ! Ha ! Je ne suis pas alchimiste, moi. C’est la mécanique qui rattrape mes origines, mes goûts anthracite ne m’ayant jamais évité la pulsion. Pourtant crois-moi, je n’ai pas succombé autant de fois que le gong en mon dos a retenti : tenté oui, mais tout sauf interné ; deux crochets et deux éclipses n’ont pas suffi à m’arracher mon orgueil. Et c’est peut-être le sens de ma quête de ce jour.
            Mais qu’importe : je hais les médiocres attentes de mes semblables, qui sont heureux de rêver à d’autres horizons sans jamais se rendre compte de leur immobilité. Contre eux, j’ai cru longtemps qu’il y avait un « après le fantasme ». J’ai réussi à m’arracher, j’ai trébuché et me suis relevé, mais cela ne m’a rien apporté. J’ai séduit les plus grands (les plus faibles souvent), pour manipuler à mon tour – on s’en lasse, mais on ne peut pas arrêter pour autant – je suis tombé, sans rancunes, détruit par mon ami et fils, le prochain sur la liste dans cet organe secret qui centralise la planète. Et me voilà, pour souffrir – et ça commence à faire vraiment souffrir, putain c’est vrai j’en peux plus là... Sur le bord d’une autoroute abandonnée, si seulement la fumée au loin pouvait être celle du bourreau. Il va, il vient, hache à la main, et j’aimerais le rencontrer avant qu’il ne m’achève. C’est une belle poésie que celle de l’âme sans espoir de rédemption. Une petite voix me siffle « crache le morceau ! », « oui avoue-leur que ton pacte n’a pas eu le résultat escompté ; tu t’attendais à devenir comme eux, que tu jalousais en secret, mais tu es resté toi, ne prenant qu’apparence sur aspect, tu n’es devenu qu’un pauvre épouvantail ! ». Être un homme, rêve d’antan, je n’ai pas résisté, lorsque le serpent minéral me l’a proposé. Mais je ne suis devenu qu’un grain de sable déchu, un rebut du cycle dans lequel je me vantais de ma place. J’ai pactisé avec le Chemin, avec la Voie des sept : la serpent polycéphale s'étant promise que je serais comme un maître du tout, que je serais... semblable à Elle... que l’homme était debout, qu’il voyait l’horizon, un dieu à figure d’Apollon – qui pouvait enfin être libre. Libre. Être l’inconditionné absolu, alors que j’ai toujours été porté, largué, jonché... Je suis devenu ce dieu de liberté. Et mortel. J’ai mangé de la poussière, j’ai mangé du plaisir à la pelle à tarte, à pleines brassées de sexe, et j’ai tenté de m’éclater le crâne contre des rochers, de faire pourrir mon encéphale avec des solutions acides, par fausse conviction et faux désespoir, déception, des deux côtés du flingue je suis chaque jour, je tire, la tête éclate mais le surhomme ne paraît pas !
            L’homme regarde les étoiles, il les nomme comme il veut et c’est là toute sa fierté... L’instant d’après, malin, il se prosterne devant les dessins malicieux des constellations, tout oublieux de son travail, envieux de son idole, servile, peureux, imbu, puéril, indifférent ? Non : malin il sait qu'il n'en sera pas enchaîné. J'ai mutilé la vie pour saisir une vérité cachée : la religion n'oblige à rien avec ses rites obligateurs, et elle ne force finalement pas l'indépendance. Passionnés, l'homme, la femme ? Tu parles – empoisonnés par leurs images dans les cieux, ça me rappelle quelqu'un – que dis-je... Par moi-même... Même moi... Etranger au désert, étranger au divin, j’ai fracassé mes os par la cilice et tordu le calice entre mes cervicales mises à nu. AH ! Sous le poids des sacs de sable pour y chercher l’ancienne silice, le rêve éteint, mes muscles ont gueulé à la mort, déchirés par mon âme ivre à la voie condamnée par la voix de mon âme !

            J’ai cherché, j’ai trouvé : mon Orgueil, tout chaud, même pas touché, même pas vraiment touché. Vous savez ? Vous croyez mourir de souffrance, vous croyez être « torturé », quand soudain, une petite voix violente vous murmure : « Oh oui, que tu souffres, pauvre de toi ! Que tu es un bon acteur – bonne actrice »... Elle dit vrai. La prière est subreptice, elle s'échappe, mais existe comme exact inverse de l'illusion d'optique. J’ai cherché à revenir et j’ai tranché, crasé, empalé trois fois six têtes au serpent – pour qu’il me rende ma part dans le pacte – pour qu’il me rende ma part contre la sienne – plus intérêts !
            Mais plus moyen. La mort ! Mort, je n’attends plus que toi ! Venge-toi de l’affront que j’ai cru te faire en devenant dieu ! Je ne suis rien ! Je suis ta désertion la plus profonde, le grain rebelle, qui mérite que tu lacères ! Arrache mon cœur dénaturé et jette-le sur un tas de roches, qu’il dessèche en exemple à ceux qui s’élèvent contre le maître qu'ils ont eux-même choisi ! Aaaaaaaaarrrh ! Nooooon !!... Pour ... Pourquoi ... Pourquoi ne viens-tu pas, ma mort ?! Je suis là, sur les bords de ce désert, sur cette planète à la boue si peu stérile en créatures mutantes, aucune barrière du vivant, j'ai puisé dans l'informe que tu avais lancé comme une boule au destin de raison ! Ma mort ?! Je suis là SUR LA ROUTE EN FEU : POURQUOI NE TORTURES-TU PAS, FURIBONDE, LES VEINES PUTRIDES ET PITEUSES, ET PERVERSES ! FAIS-MOI CREVEEEEER COMME UN VIEU PNEU, PERCE, CRAQUELE, MORD PAR LA SALE MORT DU SALE PAÏEN PASSIBLE DE MORT MÉRITÉE ! JE NE VEUX PAS LA GRÂCE ! JE SUIS TROP SALE ! AAAAaaah ces tâches... Tout ce que j’ai mérité...  Le filin de la mort - j'ai étranglé ma mère et mes soeurs avant de... les... Tu sais... eux tout autour dans les anneaux de Saturne, ils ne savent rien... TOI, tu sais, EUX, ils jugent sans savoir et me jugent le meilleur alors que je suis le pire... LUI, l'Ange de lumière déchu, me réclame au contrat que j'ai jugé meilleur... Ta condamnation est plus juste et pourtant tu me souffles un bonheur... Saleté, pourquoi ne me hais-tu pas et ne m'accordes-tu pas la mort juste ?? Qui me vola ma CRUCIFIXION ??

[... Illisible, ndlr]


            ... Pourquoi ... Pourquoi toi, petite voix ... Ne meures-tu pas avec moi, tu dois vivre avec ma mort ... TU NE PEUX PAS ME SAUVER. NON ! JE REFUSE ! Tu ne dois, non pas ... N'insiste pas, SI TU ME SAUVES TU SERAS SI INJUSTE ?
            Pars, et laisse crever mon cœur ingrat avant qu’il ne te corrompe... Fuis les rivières sombres, les coins pourris, aime la lumière, ce voile dont se moquent les déshérités qui postulent encore le chaos infini et renversent des valeurs pour établir une bête à trois bras et sept orifices... Sois... mon anti-moi, achève-moi mais sois belle... Reste-le... TUE-MOI – NON NE M’ÉCOUTE PAS JE N’EN PEUX PLUS PRENDRE UNE GOUTTE MON PIEU DU PACTE SCELLA MON NOM AUX ÉCUMES DES GENCIVES MENTEUSES DÉCHARNÉES DE L'HUMAIN – ne m’écoute pas mais OBÉIS SALE PUTE – JE SUIS LACÉRÉ, YEUX CREVÉS mais non brisé, tu ne COMPRENDS pas ?... mais même pas assez brisé...

... car je n'accepte pas ton aide que je sens si possible et si proche ! JE CROIS ENCORE A MON INDÉPENDANCE car même en confessant me colle une comédie essentielle à la peau, qui se joue dans ma souffrance, hypocrisie si familière, qui ajoute à chaque pas de repentance une pensée qui me dit : « Je me repens ! Je ne suis donc pas si mauvais ! Je souffre, je suis victime », il reste un acte, une acte que je joue... Je suis irrécupérable, ne m’approche pas. AAAAArrrrrrr !!... MAIS DÉGAGE ENFIN ! ET TOI AUSSI, l'AUTRE ! JE REFUSE ! Mes dents te crissent de t’en aller elles râpent leur l’émail contre le béton enflammé et ma peau s'arrache mille aiguilles je sens la poussière sèche combler les caveaux de mes yeux mes poumons irrités coulés de leur béton de soude et de soufre alors le crin brûlé qui lacère mon dos... La punition ambivale qui approche un nuage sec hante l’enfer : Il est là ! Le nuage !... Il ne se serait pas approché avant. Vis, petite voix. Et trouve ce qui m’a toujours manqué.
            Un maître, quelqu’un qui t’aime car le mien me ment et l'autre aussi... Une lumière, un toit, qui ne sois pas toi, un maître, qu’il soit un roi qui t’aime. Je dois peut-être encore parler avant de faire semblant de mourir, ne serait-ce que pour faire apparaître la profondeur de mon hyprocrisie... J'ai devant les yeux un choix, première parole honnête, que je ne peux accepter car il implique la métamorphose ou guérison d'une âme et d'un corps violés dont les coups à la mèr(e) sont le moindre délit, et l'injustice de la substitution

Qu’il me haïsse... Non ! Qu’il ne me voie jamais...
Par pitié, laisse-moi crever
Mais toi, qu’il ou qu'elle aime, sauve-toi...                                                  BLACK OUT


Extrait des Chroniques d’un grain de sable, Manuscrit 6 décrypté, Le fleuve de feu

écrit en 2007

29 sept. 2007

[CGS - Épi 5] Vers le sel sans la mer


         Salivant sur une espèce de balançoire suspendue entre cieux et terre, j’attends. Au centre d'une étoile à cinq branches gravée dans le sol, petit bug en puissance qui fera tout dérailler, qui s'invite à la fête et détourne la victoire, la transforme en défaite, d'une folle ou d'un fou qui prit mes sœurs stellaires pour dieux.

         Ma proie, dit le roi granulaire, granuleux que je suis à son altière personne première, doit être noble et se doit d’être affable. Je le décrète : il sera Apollon, ou elle sera Aphrodite. Rien de plus.

Car un royal appétit ne s’absente pas en oies, ni soles, repas frivoles, mais sustente ses ardeurs par des cris et des pleurs. J’ai trouvé la clef pour entrer dans la dimension supérieure, celle des dimensions décuplées, de l'indépendance connue à la matière, de la connaissance dont dépend la liberté. J’infiltrerai son corps par l’extérieur, je prendrai le contrôle de ce qui fait sa singularité. Je suis sur le chemin de l’unité finie – prêt à devenir un dieu humain, en prenant part à leur chair. Un quelqu’un entre soudain. Je me tiens coi. Il récite, je vois mal, j'entends peu, des vers ou jappe des strophes en l'air. Un souffle est abattu et me soulève en l'air, en l'air qui chauffe, je le happe, et dans sa transe il ne remarque rien. Je me hisse, puis me glisse sous ses paupières et suce dans un baiser visqueux le fruit de mon intrusion : des larmes, et salées.
            Je sens des picotements dans mon sujet nodal - le temps est ralenti - jusqu'à sa croûte - je m'incarne lentement, quelle sensation bizarre - mais le goût de la larme salée se décuple et m'envoie tout à coup des décharges d'une autre nature

            C’est une déferlante de vibrations dans le noyau que je suis, une cascade soudaine qui me fissure : « Mare, Ô Mare meum ! Des deux éléments supérieurs, j'ai choisi la chair ! Toi que je quitte, non sans adieux, dis-moi dans ton silence : est-ce déjà un vœu de retour ? » 
Le sel et les caresses aqueuses de ma mer, celles qui bercèrent de semblables larmes mes infinis innocents pas d’avant. D’avant le grand départ, d’avant, bien avant, des chars, des blockhaus, du sceau des algues et des seaux de plastique, des râteaux des petits, oubliés dans mon sein blond. La mer ! Que n’es-tu maintenant dans ces ersatz piteux que sont les larmes de ceux que j’agresse ! Mais c’est le coût du voyage vers l’Homme. Ah ! Que je raconte ! Que sont ces réactions mornes et glauques face à ton immensité ridée et toute parcourue des spasmes de la vie ? Pourquoi ne dois-je que me contenter de boire ces flaques tiédasses coulant d’yeux irrités, arides, amers oasis du souvenir ? Pourquoi mon voyage m’entraîna-t-il loin de toi, ô ma mère ? Comment as-tu supporté de perdre un seul, un seul de tes aimés ?
Un seul, oui car c’est seul que chaque point d’airain peut ce voyage accomplir (doit ? non, je ne crois plus au devoir - ma démesure démoniaque ne se postule pas universelle, encore que), mais tous car c’est de toi qui meure dans l’heure où je m’absente : de la dune où jamais rien ni personne ne décèlera le manque, tu la regardes toi comme une tombe, un mausolée, dès l’instant où l'un de tes enfants n’y grésille plus.

Frémis et grille sous le soleil ardent ! Car je ne me contenterais plus de gratter mes souvenirs, je me prépare à l’art et à la chasse ! La vraie césure qui casse, qui brasse les craintes de ses fugitifs, les y malaxe bien et enfin rompt ce fil ! Loin de ce qui me faisait croire à mon immortalité, je perds toute ma noblesse... Je comprends quelle autorité factice et vile je me donne ! En un assaut désespéré, sur les conseils du Faucheur Temps qui désormais aura toujours le dernier mot, mon ancienne nature quasi-divine a tenté d’immerger sous un masque d’Artémis, un personnage de finitude. Mais cette chasse et cette volonté de déchirer peaux et plaies n’est, je le reconnais, qu’une défaite. Mais... une défaite... nécessaire. De l’éther, de l'alcool sur les plaies de l’absence. Un mal, une défaite nécessaire... Peut-on dire fatale et ajouter vitale ? Ces deux mots riment-ils vraiment, ou êtes-vous trompés par votre langue ? A condition d’en rire vite sans pâle ou froid reflet : un vrai rire solaire et frétillant.
D’une vie qui rappelle encore une fois les courants et les océans qui te composent pêle-mêle ! Mer, ô je suis à toi ! Miel, ô oui tu l’es pour moi ! Et toujours se marieront dans nos familles apatrides et universelles des plages et des lagons tes couleurs sombres et argentées, avec mon teint hâlé et mordoré. Que tu sais si bien me cacher de tes reflets lorsque le spleen m’envahit, et que je suis de marbres quand tu glisses sur mon rivage blessé qui tantôt cède et tantôt t’aide ! Tout est atout en toi tant tu traces tes routes droites, tes sillages portant trésors, secrets. Secrètes, tes abysses aussi et qui sécrètent, ô mystère, de la lumière tout en traits d’or : et que je les suive ! Ton point d’or jusqu’en tes fonds césium, cobalt, comme les métaux que tu forges dans tes entrailles marins, suis les lumières que tu places pour lui jusqu’au point d’orgue (à l’infini, tant qu'à faire). Point de plus belles balises que ta chevelure, point de fuite vertical qui s'abolit lorsque nous sommes main dans la main, et courants : toi mon bleu inondé d'insondable, moi ton vieux grain jauni qui abrège son voyage ! Plus aucune brise traîtresse m’enlevant à ta tendresse, ni projets insensés de voyages au loin...
Je te promets que si je reviens un jour dans des contrées moins boréales, après avoir vécu et transmis à tous quelles peuvent être les acrobaties d’un ça (ou)blié, je m’en irai en toi et mourrai d’à jamais reposer dans ton verger le plus viergé !

            En avant donc, en route – je suis troué – je vais de l’avant pour aller en arrière – avant la prison, bien avant la chute, un état oublié, peut-être le ventre de la mer ou mes plages se délectent – peut-être est-ce un mythe ? Cessez d’attendre, ô vous souvenirs, et combattez-moi cet infect état de prédateur ! Je m’en vais pour vivre et je meurs, mais d’une mort nécessaire, alors... écoutez bien... Pour avancer la date et l’heure de mon retour, en avant toute et dans l'instant ! - pour mon amour, contre tout doute possible - tous parés, aux ergs, aux ergots, contre vents et marées !

            Au même instant, je sens une terrible excroissance sortie du néant fondre sur moi, et sens le roc solaire qui s'effondre par le bas - poussière légère que j'étais - en garderais-je des attributs ? - je souffre - c'est lourd -  tomber au sol dans une chute immonde

En l'air   je v ois    d es m illio n s d 'â m es qu i n'ont pa   s idée de la di stance

Choir tambouriner à l'ext érieur d'un corps dans l'insta n t où soi n'est nu lle part j'en crèverais

Dieu existe donc - je n'ai jamais entendu ce nom - j'oublie sa nouveauté depuis toujours
 Les idées formes pures je reçois ! Quelle allure prend le monde AH !
Mon reflet dans une flaque, je suis à terre
et j'ai mal
Je me vois pour toujours - premier contact av ec lui m oi  m êm e
Il est beau !? - je suis beau ! Bien choisi


            Pour la première fois de ma vie, je m'é vanouis - d'émot ion - et sous le poids nouveau - terrible - de la pression atmosphérique ! AAoh...

Nota [de l'auteur, ndlr] : Revenant sur ce discours après mon incarnation, je vois en quel côté il est biaisé, comme un méchant dé, un vœu bleu en surface, mais rouge vif du sang qui m'amenait à diriger son ardeur sur fond du voyage, de la conquête - en perspective du trajet du divers qui s'annonçait. Cette promesse n'était donc pas entière. Pourtant, je l'ai bien faite de tout mon cœur. Où cela cloche-t-il ? Ici : mon cœur n'était pas entier.
Je vis dans le voyage, puis dans la femme et l'homme (voyages incarnés, transitions), le sel sans la mer, plus que l'eau douce hors d'elle - qui, je le sens, est l'union verbale d'une union plus parfaite encore que celle de la chair, en peu de choses inférieure - mais l'incarnation venait de débuter


Extrait des Chroniques d’un gr*** ** s***e, Manuscrit 5 décrypté, Vers le sel sans la mer.

 écrit en 2007

[CGS - Épi 4] Le choix de la chair


            Au loin, dans un désert, encore porté par des forces qui le dépassent (mais pas son ambition), on peut entendre le chroniqueur qui crie. Il est seul, individué dans l’inversion qui créa son départ. Voilà la première étape d’une métamorphose peu commune : qui vous savez, minéral, en un animal d’airain et son corps musculeux (relativement) – mais n’anticipons pas. La première étape est le choix de l'enveloppe et de la condition d'arrivée, du destin ; en quelque sorte le modèle par la race de ceux qui échappent aux vents et marées. Il crie :

            « AAH !! JE BRÛLE D'UN DÉSIR CONTRADICTOIRE ! JALOUSIE, ES-TU HAINE OU BIEN AMOUR ??! AMOUR TORDU, DÉÇU ?? AMOUR EXCLUSIF, RADICAL ??
AMOUR QUI SE DÉTRÔNE LUI-MÊME ! HAINE, PASSIVE DE SON AMOUR !
OH, QUE NE SUIS-JE QUI JE NE SUIS PAS !! »
[...]
« Au son de mes pérégrinations, deux cloches ont résonné à m’en faire perdre l’horizon. Sincèrement, sans appoint, j’avançais, dans le vent, anémochorie à mes heures. Lorsque s’éleva devant moi, l’un et l’une, doublement sauvages l’un et l’autre. Deux éléments, ces deux-là,  seulement, m’ont paru plus durs, plus forts, plus beaux que celui auquel j’appartiens. Chacun à sa manière m’a sonné d’anthologiques leçons, à m’en faire renier ma patrie !

            Je crois tout animer, je crois tout composer, quand enfin deux choses haussent les épaules. Quant à elles, elles ont l’une des yeux pour voir et l’autre des infinités pour subsister. Ces deux forces triomphent de la mienne et font naître en moi, c’est la première fois, le désir et le dégoût, car l’une est liberté et l’autre est dépendance. Je prie de concevoir, une vie avec l’autre, l’autre vit grâce à elle. Ou encore, des deux forces, l’une vit et l’autre non, l’une tout conquiert et l’autre est toute conquête. C’est presque vrai. Le paradoxe, c’est que le maître ait besoin du serviteur, qui le compose, et fait sa force, et que le maître détruise son serviteur. L’eau l’abreuve et l’homme dit « j'erre !». Lui déploie ses galères, canaux, barrages, galions, mais elle le compose à tellement de pour-cent que s’il ne l’absorbe pas au quotidien, elle l’asphyxie !
            Moi du minéral, des roches, des immobiles et des durs à cuire, de ceux qui reposent en paix là où même la vie doit se tapir, j’ai voyagé et j’ai trouvé qu’eux deux seuls reniaient l’hégémonie dont je m’étais un jour targué. L’homme est plus dur que mes atomes, et dans quelque mesure, plus robuste que mes étoiles : il me manie et m’articule, il exerce son savoir et ses devoirs à toute la création, c’est cette liberté-même.
            L’eau est pulsion, et spasme qui me transperce, elle me rappelle celle que j’aimais perdue et immense, qui gèle et brûle de sel et d’animalcules, elle coule et cycle frénétiquement, c’est cette dépendance-même. D’aucuns diront qu’elle a sa trinité, de formes ou de personnalités, qu’elle suit ses propres lois qu’elle est racine de vie, je leur répondrai que je croyais cela, mais que je l’ai quittée... et elle ne m’a jamais prouvé sa puissance. Son amour est peut-être là, présent autour de moi lorsque je sombre dans ses bordures monoxydo-dihidrogéniques. Mais son essence m’est étrangère et depuis que j’erre, c’est en l’homme et ses auspices que je me terre. La particule quittera sa terre et sa mer et s’attachera à son homme. Est-ce que cela peut être ? Et dans quelles circonstances ? Comment s’y attacher si aucun ne veut de moi ? Comment attirer l’attention du plus grand géant de tous les temps... Fausse question : il ou elle n’aura pas le choix.

             Mais surtout, à quel homme se fier ? Laquelle choisir ? Lequel séduire ? Qui donc pourra prétendre à marier la fille d’éternité, qui jamais ne se perds et jamais ne se crée, faire germer la graine du temps et l’enfermer dans un corps fini, délimité ? Fini d’enluminer, l’homme n’est parfait, et parfois laid, mais si aimable. Et si passionné... Tout sauf l’indifférence minérale. S’il l’avait, il serait un monstre plus terrible que tous. Je ne crois pas, du moins, je n’espère pas. L’homme, ce cristal qui façonne et cette poussière qui raisonne : tout s’harmonise dans son corps qui fonctionne comme un monde. Une planète rugueuse, perdue dans la brume, qui choisirait elle-même son orbite. Un univers chaotique qui s’harmonise mystérieusement, pour se dérégler quand il arrive enfin à être stable. Du plus jeune au plus vieux, je ne vois qu’identités, individus.
            Tous atomes de l’homme, ils sont tous différents. Dans lequel s’incarner, car c’est le choix de l’homme, d’être UN, d’être UNE ? Celle qui crache, celui qui danse ? Celui qui enduit son visage de miel ? Celle qui porte son enfant dans son dos, ou celle qui l’a près de son sein ? Le bel homme d’équipage qui prit la mer un mardi soir en rêvant d’or et de croissants ? Ou l’homme de la source, qui boit et pêche dans l’histoire insulaire ? Celui qui porte le casque des légions coloniales, ou celui qui a survécu, dont plus personne sauf lui ne parle la langue ? Comment trouver cet homme qui ne s’intéresse qu’à ce qui brille ? Dois-je briller aussi où y-a-t’ il un moyen d’attirer son attention plus longtemps que le temps des larmes qui me pressent, me pressent hors de son œil, dans lequel j’irritais, plus que ne séduisais. Alors que ces questions m’obnubilaient j’en oubliais ma trajectoire, j’errais photon pensif dans le monde sous-marin. Pourquoi là-bas ? Car vous n’êtes pas sans savoir que je m’use, lorsque le vent m’abuse et me frotte comme il veut aux aléas. Sous les cieux, le lot du minéral est d’être jeté au vent, lorsqu’il n’est pas en terre. Sous les cieux encore, il se forme pendant mille ans, et le feu ne l’atteint pas.

            Avant d’entrer dans le combat, point de luttes ou encore : tentations... Point d'ennemis avant d'avoir pris position ni leurs mains tendues comme des hameçons...  Quand l'occasion se présentera, je serai homme ou femme »


Extrait des Chroniques d’un gr*** ** s***e, Manuscrit 4 décrypté, Le choix de la chair.
 écrit en 2007

27 sept. 2007

[CGS - Épi 3] Projet d'incarnation


            Un matin, je croisais le Temps, ce vieil ami. La dernière fois, c’était encore au temps de ma honte. Notre dernière rencontre, au temps de l’enfance absolument cyclique, et je crois même que ce fut le jour de ma « naissance ». Lorsque le moi soufflé du cristal se suis brisé.

Vous avez dû penser, quelle maladresse de lâcher ainsi le goulot du temps, de réduire à néant ce petit objet consentant à toute ma prison, mon ignorance, et représentation de toutes vos habiletés. Le moi soufflé, c’est ce que vous nommez verre, et le goulot, le trou du ver qui mène précisément de l’autre côté d'un temps hybride.
Le verre n’est qu’un sable fluidifié, et le fer n’est qu’une façon de me faire naître à mon unicité. Je suis quand je m’échappe, et je naissais à l’instant où votre piège se brisa sur le sol – mon terrier noir, la face cachée de la lune – brisé, la prison bulbe de verre : je cessais alors d’être (dans) votre temps. Il s’est extrait, ce Temps, libéré lui aussi de son incarnation en nous (nous étions si nombreux), je m’en souviens, haletant et sans divisions aucunes, tout déboussolé. « Hé ! Les grains ! Je ne suis plus votre écoulement ! ». avait-il lancé, joyeux et ailé, flottant. J’avais répondu, avec une indépendance précoce : « Moi aussi, je suis libre maintenant ! Libre de vous, libre des cycles ! », avec la voix que me prêtèrent mes milliers de frères. Le temps s’est enfui, sans dire adieu à ses vieux compagnons, à son vieux corps. Il m’a de suite donné envie de voyager, envol seul et , indépendant, libre de rejoindre les temps plus ou moins longs qui parcourent la Terre, durées, périodes, éons, moments, cycles ou siècles étirés, enroulés sur eux-mêmes, éphémères ou immortels. Nous, petit tas sur le sol, ne pouvions profiter d’une récente individuation, et la prise de conscience de notre force dans le monde se soldait d’un échec de mouvement autonome, de destinée – ou plutôt de destination.

Je tombe sur lui, on discute. Le courant passait mal, quand il me lance à la figure une pique mortelle : « si tu n’indiques plus le temps, qui es-tu, sinon une particule parmi tant d’autres, une de plus qui cherche à se démarquer ? Qui es-tu, si tu n’abrites plus l’esprit du Temps, le mien, lui-même, sinon un atome pris dans mon flot, dans ma chute ? » Je lui répond : « Immortel ! » et il enchaîne : « En es-tu si sûr ? », et je sentais en moi-même qu’il attaquait mon mouvement erratique, force d’attaque mais non d’indépendance. Je ne tissais plus le cours du temps ? Alors où étais-je ? Deux solutions : hors de lui, en lui.
Mais la vague mélancolique m’assaillait, loin de ces questions méta minérales – le vague à l’âme qui dit tout bas : « plongé dedans, tout comme les hommes, comme les femmes, comme les coquillages qui vivent un an et meurent, comme les algues qui survivent à peine un été – qui se décuplent et meurent, s’immortalisent dans l’effort, l’illusion, le frôlement de la mort, le Kairos, instant absolu et singulier : la circonstance… »
Il y avait dans sa voix et son discours l’espoir d’une porte dérobée, passage d’un plan à l’autre – et je ne répondais plus au Temps. L’orgueil me prenait dans les phases de bile noire, dans le terme de l’obscurité – dans l’œuf chaud.

            Ce matin donc, j’ai retrouvé le Temps, il m’a dit que j’étais idiot de ne pas profiter des choses aussi grandes que les mystères, et me l’a répété en parlant pierre et parlant roche, en parlant pierre, en dialecte des anciens minéraux, en langue émeralde, en un pur patois calcifiant, en d’autres mots de grès, d’argiles. Cette voix intérieure était là bien avant, c’était mon cri, mon appel du dedans des entrailles des tripes de l’intérieur du cœur d’au plus profond de la Terre qui bouillonnait de moi. J’ai ressenti le cordon, la veine métallique et si juteuse, l’initiale de mon vrai prénom caché, au secret de ma personne rocheuse ! Cette chaleur si intense et si fondante, ce temps accéléré et absent où il n’y avait qu’à boire ce que Mère Terre mâchait pour toi, et ses promesses d’un monde plus lumineux encor.
            Une veine, un boyau, mais plutôt un chemin ascendant, cheminée du volcan qui vomit de mes sœurs à chaque seconde. Oh, apprends-moi encore où faut-il te chercher, toi, ultime aboutissement, car je le sais – c’est un destin, mais pas encore une destinée. Je suis aboutissement et forme parfaite, tiré du magma précieux par un dieu à l’esprit fragmenté, appelé à me transformer toujours. Ceux de ma race s’en satisfont souvent. En poussière pour voler, en roche pour un instant qui dure.
            Quelle montagne qui sommeille ne menace de se réveiller ? Quelle colline ne sème à tous vents ses usures calcinées ? Quelle roche infime ne reproduit pas ses formes à l’infini sous l’action double et douloureuse des vents et des grés ? Envie de haubans et de banc de carpes dorées aux bouches bées, ancres levées. Le vieux a raison : il me manque la finitude et les délimitations limitées qui définit les demi-dieux – je hors des mille clones serviles qui m’admirent, sur le point de tuer mes héros.

C’est décidé, je trouverai un moyen. Dans l’immensité je me lancerai sans tabou ni tablier, sans sabot ni boulier, ni boutades déplacées. L’aventure de ma perfection – de mes possibles – elle m’attire comme jamais. Elle m’arrache. Marécages de difficultés, voici l’adversaire qu’aucun de vos filets ne pourra retenir ! J’ai nommé, celui que le temps ne peut scinder ni altérer, son allié, le barde aliéné ! Microscopes et humaines destinées pour révéler mes vraies richesses, je suis dans ce monde-ci aussi précis et aussi beau que je serai tragique et magnifique dans le suivant.  Je serai celui qui résiste au passage de lui-même et à tout, avec l'aiguillon de la durée limitée, d'un corps putrescible, vivant, agité par l'idée, l'ombre, le sel de l'épée de Damoclès qui me lie à la mort !
J’engloutirai qui m’outrepasse et j’usurperai passés, mérites ! Je suis qui n’a jamais osé être mais qui ose puisqu’il a été sans le vouloir ! Absurde ou pas, ma volonté gonflera ses voiles de toile grossière des grains de mes jurés ! Qui s’oppose s’écrase par accrétion à mon édifice monstrueux ! Je suis, et cela me suffit ! Je suis le grain de beauté sur la rose des sables, la fleur du désert qui éclot de sang et de soif et de fumée ! Mon voyage sera mon mythe, le tien, le leur aussi, fondateur mais aussi visionnaire. Coagule, mon ambition. Joint ma coalition, mon pauvre ami, ou ma tempête dessèchera ton nom, le cachera sous une dune de misère, aux générations des générations ! Hahahahaha !

            Il s’agit d’observer le chaos organisé du monde et décider d’un cœur d’incarnation, d’une essence d’accueil pour le temps d’une vie. Je suis tout excité – tant de vivants, d'entités pour mon choix ! Maintenant, au travail. Dérégler encore davantage l’horloge universelle, en un point d’inflexion… Le mien.


Extrait des Chroniques d’un gr*** ** s***e, Manuscrit 3 décrypté, Projet d'incarnation.

 écrit en 2007

[CGS - Épi 2] Devinez l'astre

            Grain de rien, épuisé, renversé, inversé, rien à moi – je suis tout à présent. Et je vais vous le prouver : devinez.
            Arôme et atome ne font pas bon marché, et comme l’un crisse et grille le goût bleuté pour en faire contractions des muscles et moues, comme l’autre s’efface en douceur ! Quelle rumeur sur ma petitesse ? Que j’abatte, que j’affaisse ! Je suis temps et je suis ans ! Je suis plages et châteaux en même temps ! Je suis grès et cathédrales tout à la fois, je suis silice et puis solaire, l'atome de souffrance et celui de la promesse - la défiance par le haut et par le bas ! Rayonnement de la terre, signe et symbole de poussière agrégée, d'érosion et d'accrétion, j’infiltre armures et carapaces, détruis l’une d’une déchirure fatale et sublime l’autre de la parure de la perle.
            Je suis celui qui est le nombre, je suis celui qui est le seul, je suis l’élément aux frères infinis et compose même les étoiles qui seules sont nos rivales, en terme de sœurs inégales ! Je suis opacité et transparence, des dunes les silences, du quartz la brillance ! Je chauffe et deviens verre et deviens glace ! Je gèle et fait fondre et neiges et glaces ! Qui suis-je, oui mais non, qui suis-je donc ? Qui suis-je à la longue : impossible et non ! Un dernier indice, s’il est lisse ? Qu’on me leste une fois pour atteindre l’azur, qu’on me leste deux fois pour endormir l’enfant : je n’en suis pas moins important ! Comment ça, prétentieux ?

              Envieux vous, car je suis encore bien plus : masse, océan, et qui me déplace est un Titan. Je suis légion anonyme. ILS m’ont copié, j’étais là bien avant. Impossible à bouger, on me transporte pourtant sans le savoir. Je m’infiltre et je danse, et j’agace et j’enlise. Ami d’un jour, je reçois à ta place les projectiles mortels – le lendemain te réduit à mourant, à néant, je t’étouffe rien qu’en étant mouvant. Que tous s’inclinent, et faibles s’abandonnent au filtrant granuleux, au ciment des enfants, à l’ingrédient bitumineux, au détail insignifiant qui peut tout faire imploser ! Implorez ainsi ma pitié, car de nous deux, n’est pas grain qui veut.
            Tu te crois grand, fils d'homme, fils de géant ? Tu l’es. Mais JE suis INFINI. Nous sommes plus que toi, avec vos pathétiques milliards que l'on compte sur les doigts d'une main. Car je gravis les pyramides d'un seul souffle et j'écrase les bêtes, les animaux, ces carcasses en devenir.
            Sois orgueilleux de ton sang, tu le peux je le crois, mais n'oublie jamais : à la base, je te construis, je porte la lumière qui te nourrit, et tandis que ma tempête a changé plus d’une fois tes palais en désert, je me coule dans ta gorge si tu me sous-estime. N’est pas le plus petit celui qu’on croit.
            Car enfin, si de nombreux essayistes ont enfoncé leurs plumes dans mon corps radieux, peu n’ont pas desséché dans la foulée, hypnotisés par le silence que j'impose dans mes quartiers : le jour est comme la surface d'un soleil et la nuit, je les mets à genoux dans une gangue polaire. J’aspire l’encre autant que le sang, et je ne leur en laissais assez de l'une que pour écrire leur testament, assez de l’autre pour se traîner loin de moi. Les écrivains, mais aussi les fous construisirent sur moi à leurs dépens (une maison !) – oh, les lutteurs, rétiaires, secutors aux lames froides eux aussi enfoncèrent bien des fois leurs poings éreintés dans mes poitrines innombrables : la vie m’anime alors et se décuple appelant alors de toutes ses forces le pouce renversé, le signe défavorable, dans un chant que les humains n'entendent pas, que seuls quelques chrétiens perdus là ont écouté, dans leur paix surhumaine.
            Mais parfois même je n'attends pas le pouce pour m'exécuter mes victimes : faut faire appel aux corps pions du désert - ils m’obéissent sans questions - et avancent sans échec, attaquant diagonales ! Ces corps pions, bêtes que je hante, seront ton Némésis. Il est là, non, là-bas, mais trop tard : mon dard à moi vengea l’offense que ton assaut fit à une cellule mienne. Mes capsules abrasives, des noyaux, quelle ironie, attaquer l’indivisible, car on dit du quand on parle de moi, la force qui compose et anime la vie du désert, qui habille les vents et les ouragans d’un manteau propre et corrosif, tempête contre ce qui vient à sa rencontre, et rend à la terre en poussière les restes de ses victimes. Je lave, je ponce, j’astique et j’aspire tout espoir, puis la moelle. D’en haut, d’en avant, et d’en bas, les cadavres échoués dans mon sanctuaire (le désert) ne trouvent de moi aucun repos ! Bombardé depuis Hélios ou chevauchant avec Eole, engloutissant ressortissant de Gaïa et guerrier rongeur à la solde de Cronos : je suis tout, simplement (et je suis, tout simplement). Vos bains de soleil, vos mégots, vos pieds nus : je les vomis, aussi fort que j'admire votre nonchalance, l'autonomie de vos mouvements - qui manque à ma perfection - car je ne vole de mon propre gré que rarement : je hante, je crie, j'étouffe, mes voyages innombrables sont sans gouvernail.
            Aussi évident que je m’étonne du mutisme vôtre sur mon identité. Sur mon nid d’entité, je veille au grain ; et si vous m’en voulez, hein, d’une énigme vaseuse, de l’Orgueil poisseux dont je fais mon emblème, vous n’avez qu’une option. Pour me faire taire, une seule : me donner la solution, c’est-à-dire de nommer l’allusion. Me prouver que vous avez un jugement, une once de bon sens, encore une fois : seule option, répondre à la question et comme un gladiateur, mériter sa sortie de l’arène, arène qui est aussi mon nom : victorieux et heureux. Où vais-je ? Partout, vous l’avez compris ! Qui suis-je ?
            Part et tout, à peine saisi que déjà il s’échappe ! Qui suis-je ... Le ça ? Le blé ? Quitte à me moquer de vous et de ceux de votre race, m'en moquer jusqu’au bout : sifflement puis bouche ouverte, lèvres éclosent et bedonnantes pour s’écouler finalement et livrer ma solution en un si bel ensemble de sons. Je suis chanteur des dunes, invisible et omniprésent.

Extrait des Chroniques d’un gr*** ** s***e, Manuscrit 2 décrypté, Devinez l'astre.
 écrit en 2007

26 sept. 2007

[CGS - Épi 1] Le sang d'un tablier

            Atome blanc et serein dans un océan pointillé, j’attends. Et sans savoir ce que j’attends, j’admire les dunes qui s’étendent, immaculées, jusqu’à l’horizon. Un horizon froid et vide, mur diffus qui entoure notre désert. J’étais jadis un tout, obscur et immobile, qui n’avait ni volonté ni conscience d’exister : tout a changé lorsque la lumière a jailli, je me suis senti arraché à ma matrice et suis devenu partie sans tout. Ma couleur, je l’ai découverte ici, ainsi que ma forme irrégulière.

            D’un vide sombre, je suis passé à la vie radieuse. Et d’un grondement sourd j’aspire soudain à redevenir passé et à perdre mon identité de globule blanc vieillissant. Cette attraction vient du plus profond, de moi, mais d’en bas, de même, car j’entends maintenant réellement un brouhaha froid. Il vient de là-bas, en dessous ! L’abîme de mes origines, c’est par là, je crois, vers en bas. Bruit diffus, rivière puis fleuve. Il s’appesantit, s’alourdit à chaque seconde, devenant, de bourdonnement inaudible, véritable roulement sensible, enfin fracas terrible. Mes frères autour de moi, par milliers, par centaines de milliers, me pressent et se mettent à vibrer : ils sont pris dans le flux grave tout comme moi – semblables et singuliers – dans la même baraque bondée que moi, bondée d'eux, c'est-à-dire de moi-s, et l’ouragan se rapproche. La structure qui me retenait depuis ma nouvelle vie tremble et semble se dérober petit à petit : je le devine à l’horizon glacé, ondulation des reflets, de plus en plus rapidement, tel un ciel à aurore boréales capricieuses : quel pressentiment... La force intérieure qui me pousse à croire à un nouveau black-out, un nouveau trou noir divin et chaud s’accouple si parfaitement aux perceptions cataclysmiques du son et des tremblements ! Bientôt tout éclate, je le sens, l’apogée est proche, oui, cela doit être – cela sera – et non, non, cela ne peut s’accentuer plus avant ! L’aqme des éclats intérieurs et extérieurs, et comme la courbe exponentielle ne continue pas indéfiniment mais se heurte violemment au bord du papier achevant d’un pan son élan, le tonnerre de frottements et de vibrations qui retourne tout mon être explose bientôt ! Un tourbillon blanc et constellé arrache d’un seul trait mon unité à sa base et me précipite dans un glissement colossal : je vois la kyrielle d’atomes immaculés jumeaux attirés sondés l’un après l’autre par le centre de cette galaxie de vitesse – et ils passent, et plus vite, et nombreux – hypnotiques – et ils laissent place et puis passent dans un gouffre invisible et hideux, eux aussi, bientôt moi !

            Tout à-coup, sans pouvoir me souvenir d’avoir parcouru la distance qui m’en séparait, je suis bu et englouti, enfermé – compressé dans cet infâme couloir vrombissant. Une seconde plus longue que toutes celles qui parsemèrent ma naissance est tourmente : infernale et sifflante dans son obscurité matricielle, elle aboutit, Abaddon, à la chute. Une chute vertigineuse dans laquelle je suis neige et je suis temps, dans laquelle je comprends le sens de la trombe et me souviens enfin qu’il en a toujours été ainsi, depuis la nuit des temps. Je : atome blanc du désert d’un instant, je suis part et temps comme je tends vers l’autre univers miroir, tout noir – symétrie négative du temps, négatif en binaire qui m’attends – de haut en bas et soudain, de nulle part : inversion. Je sais que l’arrivée ou le point de chute sera celui de mon oubli, du retour à l’engloutissement sombre et asphyxiant jusqu’au bon vouloir de ma réunification.
            Le couloir et passage égrenant tel nous, graines, pour nous semer au vent trépan et signifiant notre sens. Je grain d’un simple sablier, qui s’étant retourné, m’avait fait éclore – et passant le temps comme une tempête banale, m’ayant aspiré, me fait retourner à l’oubli, à l’ombre. En haut, le hurlement, par le sas d’une mort vers l’attente d’une autre. Et partager encore, pour un cycle de plus, la nature et le sort, de celle, ombre qui, dans le carcan du cadran, scelle les instants solaires et si blancs d’une course circulaire et polarisée. Inconditionnel absolu hors de la cage translucide, noumène affreux, loin de moi.

            Atome négatif et astreint dans un océan pétrolier, j’attends. Mais déjà l’inflexion de l’obscur a gagné l’avant-bras puis les fentes et vallées de ma surface. En direction du cœur, du noyau de silice aventure un désir, vieil ami, ses caprices. Les sables bitumineux, symbole du temps, absolu, et le nôtre (une autre histoire). Et sans savoir ce que j’attends, je sens s’éveiller en moi quelque individualité, et sens le moment de naître arriver. Le pétrole a noyé – si visqueux – l’atome pur que j’étais, que j’aime ça ! J’étais temps, ou plutôt non : Il était temps, car le Je vient de naître ! Il était temps qui dure, temps qui passe immobile, mais Je suis temps, celui qui change et bouge tout ce qu'il touche et trépasse et puis mute et renaît, s'abolissant lui-même ! HAHAHAHahaha ! À présent, c’est l’absent, pur passage du présent à l’absence. Accrochez-vous, ça dérange - mais non, suis-je bête, vous ne pouvez plus vous accrocher à RIEN ! Si puissant dans cette ombre lunaire, dans cet puits, de ce côté du sas oublié, du ça plié, primal, qui découpe et qui sculpte tel un boucher : le sang sur le tablier, le temps d'un ... Mais... Rien ne vous lie plus à moi, alors pourquoi est-ce que je me fatigue à vous raconter tout ça, MOI ?


Extrait des Chroniques d’un gr*** ** s***e, Manuscrit 1 décrypté, Le semps d'un tablier.
 écrit en 2007

[CGS - Épi 0] Préambule


La série de textes suivants [cote : CGS] présente les transcriptions et traductions d'une série de manuscrits inédits, récemment découverts dans l'armoire de la mère de l'auteur présumé [ndle : malheureusement décédée au moment où nous écrivons ces lignes].

Ces textes contiennent un récit pour le moins étrange, en plusieurs parties, qui relatent selon toute apparence le parcours personnel et quasi-spirituel d'une entité quelconque. On ne sait si cette "vie" en est une, et sur quel mode interpréter le récit. La narration ne s'apparente à aucun genre précis. Le style alterne entre des passages enfantins, rébarbatifs, et inutilement compliqués. Cependant, le caractère "brut" de ces manuscrits et le fait qu'ils soient inédits justifient leur publication en ligne, ce que nous ferons au fur et à mesure de leur transcription. Nous proposerons des pistes de décryptage suite au texte lui-même.

Le comité chargé de la transcription et l'édition n'a pas souhaité changer le titre présent sur le premier manuscrit, titre en partie effacé [mais facilement déductible] :

Chroniques d'un g**** ** s****
Ma parabole cuvée


Il faudrait seulement ajouter que s'il n'y a peut-être aucun mystère dans ce récit aux accents de fable, il vaudrait peut-être mieux le prendre tel quel, malgré ses complications rebutantes. Tel quel, littéralement, si c'est possible, peut-être sans trancher trop vite (sans trancher du tout ?) entre le prendre au sérieux ou le prendre comme un jeu.