20 août 2016

[DCQLI] De ce qui l'imbibe, ce qu'elle trafique (3)


# 3
Ah, nan, c'est vrai : un dernier point technique avant l'explication du principe. La conceptrice de l’œuvre oui, je le suis, mais indirectement, ou malgré elle.

Comme ma pensée prend place à partir de mon cerveau, l'œuvre se conçoit elle-même. J'en suis la conceptrice attitrée, mais conçue par son œuvre, conception anonyme. Car la libre volonté n'existe pas. Itiz eune iloujieune. La conscience n'agit pas sur le monde. Yep: nope. Le monde inter-agit sur le monde, tissu contre tissu, et la conscience émerge au creux de certains plis, à l'occasion de certains frottements. Toute "volonté consciente" n'est rien que l'occurrence d'un sentiment d'attraction ou d'intention, qui est celui d'un corps, du corps qui sous-tend cette mémoire à l'instant T.

Je suis mon propre travail ciselé, qui est mon corps, et j'ai participé à tout mais je n'ai rien créé, "moi". Tout s'est fait, et en partie par lui-même, en jouant sur lui-même depuis l'extérieur. Allers-retours. Mais où j'étais ? Je suis là, maintenant, et la pellicule flambe. Mon œuvre d'art ! "Ma" performance ? Je ne performe pas, bien plutôt performé, percolé, perforé. L'artiste composé par son œuvre : luxe absolu de mon cerveau (comme on dirait "mon maître"). Se canonise lui-même au son des cordes vibratoires, derrière les dômes rétiniens : j'en suis la bande passante et la témoin prise à parti.
"Nagel uses the metaphor of bats to clarify the distinction between subjective and objective concepts. Bats are mammals, so they are assumed to have conscious experience. Highly evolved, bats make active use of a biological sensory apparatus that is significantly different from that of many other organisms. Bats use their very highly developed sense of echolocation to navigate and perceive objects within their environment. This method of perception is entirely different from the human sense of vision, but both sonar and vision are regarded as perceptional experiences."
- 'What is it like to be a bat (Thomas Nagel article)', Wikipedia (feb 2016)
"Je" me suis vraiment beaucoup travaillé. Tis much is clear. Ou : dans mon cas, la fonction "je" de ce corps a été ciselée. Et non, tout le monde ne cisèle pas, ne se cisèle pas, n'est pas ciselé ; tout les cerveaux n'en ont pas le loisir, c'est-à-dire les moyens (matériels, actuels, concrets). Le vrai problème, c'est de préciser les contours du trick artistique, l'expliciter pour le leaflet d'expo, avant de déposer la touche finale, appeler mon agent, et mettre en branle le marché. Nice job, brain. Tu t'es vraiment bien travaillé. Encore un tout petit petit, un tout petit, petit effort.

Moi, "Sophÿe Kalash", propose son cerveau comme œuvre d'art : pas n'importe laquelle. Comme performance, d'abord, et ensuite comme produit. Tout d'abord comme fonction, intégrative, de toute une vie d'interactions et de mouvements de la matière, de ce qui en émerge dans la conscience (dans les consciences ?) ; et puis ensuite seulement la res elle-même, comme agrégat fini, produit résiduel, ce tel cerveau dans du formol, scorie ou trace, token souvenir de la performance, un véritable artefact naturel, au sens le plus paradoxal et le plus littéral.
"As humans, we can imagine what it would be like to fly, navigate by sonar, hang upside down and eat bugs like a bat, but our powers of imagination are limited because we cannot escape our subjective perspective as we attempt to imagine 'objectively' the perspective of the bat. Nagel states that even if we were able to metamorphose gradually into bats, none of us would actually be able to experience consciousness as a bat because our brains would not have been wired as a bat's from birth; therefore, we would only be able to experience the life and behaviors of a bat, but never the mindset."
— 'What is it like to be a bat (Thomas Nagel article)', Wikipedia (feb 2016)
D'abord une œuvre-feu, entièrement immersive, à représentation unique et dont le film, le négatif, s'autodétruit au fur et à meure de la projection. Double évènement : one of a kind, et just once, only once. Ensuite, secondairement, une œuvre-sculpture, le cerveau objectif, l'organe extrait de mon métabolisme. L'objet muséifiable dont le versant intérieur, évaporé avec la vie passée, resterait l'enjeu principal : la machinerie résiduelle de la performance perdue, qui perdure le devenir-différent de cette chose après la vie, en mode décomposition ou repas ou sketuv.

Ça semble neat et clean comme ça, bien séparé, la performance et son résidu... Mais dès que je veux passer à la réalisation, tout s'étale, détale, s'entredévore, etcaeterâle.
"Such is the difference between subjective and objective points of view to Nagel. According to him, 'our own mental activity is the only unquestionable fact of our experience,' meaning that only we know what it is like to be ourselves. Objectivity, on the other hand, is based on placing one's self in an unbiased, decentered, schematic, non-subjective state of perception."
— 'What is it like to be a bat (Thomas Nagel article)', Wikipedia (feb 2016)



« De ce qui l'imbibe, ce qu'elle trafique » (3), à suivre
texte by SK aka Ackb aka GS / L pic by Sachin Teng

Aucun commentaire: