20 août 2016

[DCQLI] De ce qui l'imbibe, ce qu'elle trafique (4)


# 4
Une performance unique, une fois pour toute, et l'objet pour durer, au moins dans du formol. Objet > Sujet. Physique > Mental. Sculpté > Vécu. Mon cerveau, producteur et produit, en deux phases et selon deux dimensions. Right now, se paye une projection mentale privée de la partie actuelle de son œuvre maîtresse, versant esprit, dans laquelle il précise justement les modalités de son auto-baptême de salon. Sauf que la pellicule flambe à mesure que l'image change.

Ha, hé. Minute butterfly. La performance, sskssé ma conscience à l'instant T – un genre de coupe sensitive dans la coulée mentale qui ne cesse de changer –, œuvre éphémère, évanescente, ou sskssé une abstraction, à savoir l'ensemble de mes vécus – le flux entier avec toutes les interférences et parenthèses –, y compris les souvenirs que je ne peux plus rappeler ? Comment affirmer sa valeur spécifique, si rien n'en reste ? Mmm.
"A cultured neuronal network is a cell culture of neurons that is used as a model to study the central nervous system, especially the brain. Often, cultured neuronal networks are connected to an input/output device such as a multi-electrode array (MEA), thus allowing two-way communication between the researcher and the network."
— 'Cultured Neuronal Network', Wikipedia (feb 2016)
D'où mon problème majeur : "tout le monde", à sa manière, connaît le phénomène conscience. Alors quoi ? Si spécial, mon évènement ? Ou éminemment banal ? Qu'est-ce que la mienne de performance a de sensationnel ? Et même si c'était le cas (OUI, OUI, J'AI COMPRIS RESSENTI DES TRUCS T'IMAGINES MÊME PAS), comment le prouver ? Et à quelle fin ? On ne peut ni la visionner en live ni la revivre... Si c'est one shot et total privé, c'est glamour mais ça craint : inaccessible et prétentieux. Si c'est l'abstraction du vécu, des flux interrompus, c'est très concept, mais R.A.S, on nage en plein bateau, en pleine illusion d'identité trans-temporelle. Mayday mayday, oskour Major Dilemme.

Cette performance est-elle vraiment totalement illisible du dehors ? Et aussi, sskilé vrmnt impossible à rembobiner, ce film en 27D ? Et impossible à reproduire ? Ha, rien n'est moins sûr : émulation des patterns corticaux, ou partage via chirurgie invasive, pose d'électrodes, ou par un gimmick de réalité virtuelle, Go-Pro synesthésique ? Seul hic : je n'enregistre pas, là, mon flux sensoriel total (si même on le pouvait, le flux mental-émotionnel reste beaucoup trop chaud à émuler). C'est pas au point et quand ça le sera, tout ce qui sera venu avant aura été perdu.

Si l'on ne peut par encore me lire en temps réel, participer à la première personne, est-ce que je devrais dire que d'autres cerveaux participent, qui me perçoivent et répondent, par expression et par affects ? Est-ce que ma performance inclut ce qu'en perçoivent les autres – au moins de proche, quasiment similaire, avec les décalages, tous les effets de parallaxe ? Cerveaux s'imitent. Potentiellement les mêmes, ou accordés. Elle s'étendrait alors au-delà de l'absence de conscience liée à l’œuvre d'art résiduelle, à mon cerveau-sculpture... Revis un peu ma vie, apprends à me connaître ?
"A crucial difference may be drawn between learning and plasticity. If 'learning' is 'the acquisition of novel behavior through experience', learning necessitates an entity to interact with its environment – something that cultured neurons are virtually incapable of without sensory systems. 'Plasticity', on the other hand, is simply 'the reshaping of an existing network by changing connections between neurons' [...]. But these two phenomenons are not mutually exclusive. On the contrary: plasticity happens during interactions, and in return, plasticity is necessary for learning to take place."
— 'Cultured Neuronal Network', Wikipedia (feb 2016)

D'autres problèmes. En vracascade : mon "œuvre-d'art cerveau", comment la circonscrire dans l'espace et le temps ? Où s'arrête le cerveau, et où commence le reste du corps ? Et qu'est-ce que l'un sans l'autre ? Et où s'arrête mon corps-cerveau, et où commence l'interaction avec le reste ? Où s'arrête la composition minérale, et où commence l'assimilation digestive ? Suis-je un corps cérébré ou un cerveau expansé ? L'ordinateur central dans son robot, ou le larbin de l'organisme et de la meute qui exécute la partition, même s'il se croit malin ?

Quand déclare-t-on que le show est terminé, que la conscience n'émerge plus, ou qu'elle est départie de ses atours les plus reconnaissables ? Quand passe-t-on de la performance à l'œuvre-produit ? Faudra-t-il que j'attende ma mort pour vendre la chose et toucher le cachet ? Mon cerveau dans une jarre de liquide nutritif et vendue aux enchères, 9 millions à NYC, musée ou collection privée ? Puis reprise et manipulée à son tour, électrochocs, l'expérience vivante reprendrait cours ?

Au pire, la solution universelle : c'est que l'idée qui compte. J'ai rien fait, mais j'y ai pensé. Conceptual token. Je sacralise l'ordinaire, j'en extrais un symbole vivant, une ode mortelle à la machine cachée qui n'est rien d'autre que son propre développement, et un appel à la participation, au hack, à la contrefaçon, au partage de masse de cette idée, au-delà des controverses entre facile et génial, entre ready-made et gros facial : autant de consécrations ultimes de l'œuvre d'art aujourd'hui. Hybridation électronique de l'organe-fou, Monsieur Muscle-Cyborg, la seule œuvre d'art qui décide elle-même de se faire refaire des parties, installer des implants, whatever.
"Cultured neurons are then connected via computer to a real or simulated robotic component, creating a hybrot or animat, respectively. Researchers can then thoroughly study learning and plasticity in a realistic context, where the neuronal networks are able to interact with their environment and receive at least some artificial sensory feedback."
— 'Cultured Neuronal Network', Wikipedia (feb 2016)


« De ce qui l'imbibe, ce qu'elle trafique » (4), à suivre
texte by SK aka Ackb aka GS / C pic by Sachin Teng

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