4 oct. 2011

[Poékogi] Vibrations / Tout le monde se laissera faire

 
                Les vibrations ou vibrements qui vous enveloppent, autour de vous, à des kilomètres, dans un espace empli de sons brûlés, accélérés à l’extrême, distendus, passés à tabac, moulus. Les cosses des haricots éclatent sous la pression : des enregistrements répétés à l’infini, accentués, rythmiquement marqués, avec ce qui sonne de loin comme une ligne de basse, une ligne de basse de ce qui était, devait être, dans un passé sans fond, de l’accordéon ou du violoncelle, ou plutôt leurs terribles accents mélancolisant – soudain l’hymne ou l’image se brouille, neige et glitch – les vibrations à nouveau, elles seules, des pulsations brutales et continues, vous enveloppent.

                Vous avez dans l’esprit des couleurs noires – bien plus que vous n'auriez imaginé être capable de percevoir avec clarté, ah, elles s’échappent, tirent vers le rose ou le vert ? – et des mots, des os d’expressions, des notes au piano ou des lames d’énergie opaque et glissées entre souvenirs, qui font du son, liées aux pulsations qui vous décalquent, mais sans être leur source, vous le sentez bien – affections composites – la pelleteuse qui vous sonne les matines dans la tête et le corps. Plus bas, un peu en arrière, à droite, l’intestin gronde, étonnamment étranger, et pourtant. L’appendice en frémit continuellement, et votre esprit s’éclipse soudain : l’univers, seulx, déployéx comme jamais, dans son affaire sucré-salée, suspendu parmi vous et vous parmi elle, pas même de vide, que se passe-t-il, écrire devient difficile
 
                Les espaces antimémoriaux où me plongent la musique – les profondeurs douloureuses et paisibles d’un monde auquel je m’étonne d’avoir pu appartenir, quand était-ce ? Jamais dans ce cours du temps, j’en suis sûr – ces plaines ou ces villes silencieuses, habitées par la mélodie que visite des frissons d’échine, construites par elle à l’instant et projetées simultanément dans l’éternité – la musique change le temps – musique : ces étendues qui durent à jamais dans leur évanescence ! Des univers reconnus mais jamais arpentés, des téléportations par un morceau, une chanson, le prodige immaculé du retour dans l’enfance, quand le temps était à la fois éternel et inexistant, aux côtés de la voix des profondeurs, si étrange mais sans peur, l’émotion concrétisée en matière poreuse dans mes mains, le fleuve de la vie lui-même – tout noir et violet dans ses cavernes brûlantes, comme les courants des veines sous la peau.
                Car on devient poète ou musicien à force de ne pas l'être, car les poètes ont toujours à façonner le monde, tout ce pouvoir, et si personne n’y croit, tant mieux : tout le monde se laissera faire

 
 


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