15 avr. 2022

[Poé] Avec des gants


Je ne connais pas ta vie, hein, mais prends-la avec les doigts, de manière générale. Tout est bizarre, tout est oublieux, et tout finit par fondre. J'oscille entre la demi-vie et le franchement comateux. Je nage dans l'amnésie et je baigne dans l'inquiétude.

Et encore, j'ai de la chance : tout est stable alentours, rien n'a jamais été aussi stable pour moi. L'obsession narcissique ne m'empêche pas d'être impressionné par les autres, et même assez souvent.

J'ai toujours l'ambition de tout comprendre, mais la motivation tiédit à mesure que la douleur augmente. La passion s'anesthésie elle-même en me traversant. Ou bien c'est juste le prix des regrets, la haine de moi refoulée, mal transmutée en élan, combustion incomplète. Rictus d'acceptation et arbalète à Ritaline.

Oui, l'identité est un leurre : désir ductile de la solidité. Avec les doigts, ça n'empêche pas de mettre des gants, si j'en ai l'énergie, et même si je doute de moi. Le gant de la mort, le gant de la famille, le gant de la relation idéale, le gant de la relation la plus forte et de la chose la plus réelle, qui ne dure pas toujours.

Retourner le gant, le gant en plastique dans l'océan, le plastique biodégradable, l'eau de vaisselle qui entre dans le gant, la transpiration acide, les colorants dans la sève de l'hévéa, et surtout, l'incertitude corrosive, tout le temps et partout.

L'amnésie écologique. L'esthétique de l'hybride. Lichénification. Les doigts palmés, les maths "définitivement" non homogènes, l'asymétrie chirale et cosmique, et cætera. Qui sait ce que peut une boue ? Je ne connais pas ta vie, hein. Je ne le prétends pas.


 

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