14 avr. 2015

[Kogi] Tu es unique (si l'on peut dire)


Tu es unique. Non, sérieusement. On parle ontologie là, c'est même pas une blague. Il n'existe qu'une seule composition corporelle et mentale comme toi, et c'est toi, présente et passée, une seule avec ton histoire et tes dispositions, une seule qui soit telle et puisse l'être en toute précision, plurielle mais à peu près unifiée (comment ? à quel niveau ? problème, à voir).

"Tu es unique". À la limite, même le "tu" est plus complexe, plus problématique et plus débattu que la singularité ontique de telle entité dans tel univers donné – et "tu" est effectivement problématique, pour son statut d'indexical, et encore comme tout pro/nom que rappellent des contours, des qualités sensibles ou des gestes connus et qui r/appelle à son tour des contours similaires, des gestes assimilés, etc.

Apparemment, tu es unique même s'il fallait opter pour le modèle d'un espace-temps universel pleinement cyclique, de l'éternel retour du même, tu serais tout aussi "unique" (rien ne distinguerait tes "différentes" occurrences ; tu n'y serais finalement qu'une seule et même phase, sauf à représenter frauduleusement les tours du cycle temporel selon une ligne axiale, ce qui revient à le nier).
*
Si "tu es unique", l'hypothèse du clone parfait demande à être examinée : serais-tu si unique si l'on pouvait te cloner, te reproduire à l'envi et à la perfection ? Mais qu'est-ce que cela signifie de te cloner, que reproduirait-on vraiment avec des clones ? Et cela suffirait-il à briser ta singularité ?

Un clone avec exactement "le même ADN" ne suffirait évidemment pas à éliminer l'unicité ontologique : il ne donnerait même pas quelque chose de très ressemblant. Ce qui fait toute personne humaine, c'est effectivement un corps qui vit d'une certaine manière car il est doté d'un génome (matériel génétique réel), mais ne s'y résout pas, et encore moins dans un certain génotype (abstraction du code génétique et des caractéristiques potentielles associées).

On sait bien que le phénotype de chaque organisme réel est unique (l'ensemble des caractéristiques et comportements d'un organisme vivant) selon l'histoire unique de ses interactions avec le reste, mais son génome lui-même est sujet à de nombreuses variations causales : ce qu'il exprimera et codera effectivement dépend des conditions externes, des expériences et même du comportement des parents (ces variations environnementales, dites épigénétiques, influent sur l'action du génome et peuvent même être transmises de manière héréditaire), et le génome peut bien sûr se modifier ou être modifié par mutation, par ajout, ablation ou intégration.

Depuis l'union des gamètes à la fécondation jusqu'à un moment donné, à travers l'ontogénèse plus ou moins stable ou mouvementée, les caractéristiques génétiques sont déjà modifiées par la nourriture, l'environnement et les stimuli de manière prénatale, certains gènes exprimés, d'autres inhibés, puis à travers la naissance, l'enfance et tout au long de la vie de l'individu, à quoi s'ajoutent toutes les interactions non-génétiques uniques, comme les souvenirs, les expériences faites et mémorisées, les sensations et toutes les modifications physiologiques ou morphologiques dues aux rencontres, aux maladies, apprentissages, régimes et autres interactions physiques, voulues ou non, dans les limites et selon les règles de la plasticité des organes et du système nerveux (central, périphérique).

Depuis ton génome jusqu'à la plus éphémère de tes relations à ton environnement, en passant par ton phénotype, ta composition et ta disposition morphologique, neurale et psychique singulières, via l'histoire de ton corps, tu es unique.

Mais la question du clone n'est pas encore fermée : si l'on reproduisait ton corps à l'identique à l'instant T, si l'on pouvait te "scanner" à la molécule et à l'atome près, et fabriquer une copie atomiquement exacte en temps réel  ? N'aurait-on pas un clone parfait ? Même difficile, techniquement hors d'atteinte, on peut très bien imaginer une telle reproduction de toi qui serait donc physique et vivante et consciente, pour les mêmes raisons que tu es physique et vivante et consciente. Reproduite au détail, chaque cellule contenant sa version du génome dans son noyau, chaque bactérie et chaque acarien en symbiose, chaque amas neuronal et chaque tissu, absolument à l'identique, avec ses systèmes, sous-systèmes, ses souvenirs, ses faiblesses, sa personnalité identiques. Identiques ? Ou seulement similaires, et de moins en moins ?

Ici encore, le clone ne peut porter atteinte à l'unicité ontologique : la copie-clone serait parfaitement ressemblante, à ceci près que (a) elle n'aurait pas la même histoire ontique que toi (développée ou synthétisée autrement que toi, et après), et (b) elle ne pourrait jamais occuper exactement le même emplacement spatio-temporel que toi "l'original-e", elle n'aurait donc pas la même exposition au monde et serait vouée à avoir une destinée matérielle différente.

Dit autrement, la copie-clone parfaite serait exactement le même corps et donc exactement la même personne à l'instant T du point de vue de la composition, mais non du point de vue de son histoire spatio-temporelle réelle (a) ni de son emplacement corporel relatif et relationnel (b). Les deux corps absolument similaires seraient bien distincts et séparés, quand bien même on ne pourrait plus distinguer la copie du copié. Or, à cause de cette séparation, ils ne feraient que diverger de plus en plus à partir de l'instant T, ils ne feraient que "dissembler" et se singulariser à mesure que la lumière, les sensations et l'univers les touchent différemment, à leurs emplacements respectifs et relatifs.

Une seule faille, à la limite, une pensée folle : laisse tomber "l'original", si l'on imagine la synthèse simultanée de deux doubles absolument identiques, si on les "réveille" en même temps, et que l'on a organisé l'univers entier de manière parfaitement symétrique autour d'eux et placé l'axe à équidistance de chacun, de manière à ce que leurs destinations causales ne se désaccordent jamais... ? Dans un tel miroir cosmique hypothétique, impossible à briser et cousu sur lui-même, y aurait-il un ou y aurait-il deux ?

Mais encore plus étrange que cette étrange symétrie, c'est que les doubles y étant absolument impossibles à distinguer, de n'importe quel point de vue, il faudrait bien dire qu'ils ne font qu'un, et ne sont qu'une réalité... Et à nouveau, tu es unique.
Ce qui t'importe, ce qui t'intéresse lorsque tu te réjouis "d'être unique", c'est donc la ressemblance relative et la singularité relative avec d'autres entités, et non la singularité absolue qui est toujours vraie quoi qu'il arrive (nous l'avons vu). Ce qui t'importe, c'est d'être originale et unique relativement à un paquet d'autrui-s, par comparaisons et jugements, de certains aspects, selon certains critères, etc.

Alors go, allons-y.

*

Singulière – une et unique et finie, donc rare entre tout – et ce qui est rare doit être cher, devrait être valorisé (la demande, s'il y en a une, dépassera certainement l'offre extrêmement limitée, limitée dans la quantité, dans l'espace et dans le temps, par son corps et par la mort, quand bien même les industries de l'image live et des archives médiatiques l'étendraient à l'envi).

Mais à partir du moment où l'on commence à comparer, il n'y a "généralement" aucune demande pour le genre de singularité fine qui te caractérise. Il n'y a pas assez de regard, pas assez de temps libre. Ce qui est valorisé – telle force de travail, telle capacité, telle qualité, telle apparence, telle matière à fantasme, tel acte offert et utile ou consommé – on en trouve des équivalents ailleurs assez facilement, globalement similaires, assez (grossièrement) efficaces relativement à telle fin (grossièrement) imaginée pour être jugés équivalents entre eux. Gommage des spécificités non requises, non pertinentes, des détails jugés inutiles, non reconnus car non-valorisés.

La valeur sur-détermine le continuum dans lequel, toi, à peine découpée à la hache par ce "tu" et les yeux et manuels humains, tu te découvrais singulière. De la singularité radicale qui se constate, on passe à la singularité relative qui se monnaye – dans un sens comme dans l'autre, selon l'originalité et le facteur nouveauté, ou selon l'exemplarité et la conformité.

Tu es unique mais une fois comparée, tu ressembles énormément à d'autres morceaux du même monde. Tu ressembles à tout et pourtant si l'on regarde bien, tu n'es pas complètement similaire. En gros, tu ressembles plus ou moins à presque tout. En particulier, tu ressembles à ce qui t'engendre, modifiée par ce que tu assimiles et ce qui te digères pendant que tu crois t'en nourrir.

Puis, tu comprends que tu te trouves en-dehors de toute valeur, tu déconstruis et tu démontes et tu es monstre et tu démontres que cette valeur te dispose et t'envahit, te sert à t'orienter puis à intervenir, que la valeur s'interpose et se superpose à tes deux modes préférés de relation à l'univers : (a) expérimentation intensive et fondue, hyper-floue >< (b) modélisation scientifique et décortiquée, hyper-ramifiée.

La première approche rejette tout formalisme et découvre que tout est reliable et continu, que tout se ressemble sous un certain angle et que tout est relié dans le vécu de son apparition (a). Inversement, la seconde approche relève que tout est différent, mais dans la précision absolue des déterminations, dans l'asymptote des qualificatifs et des explications causales différenciées (b).

Au lieu de s'abandonner au caractère purement qualitatif et intense d'un vécu fiévreux ou halluciné (a), une physique moniste et pragmatique exploite la continuité, classe les ressemblances par degrés, explique et relie formellement ses variations les plus minimes, non-linéaires, actuelles, probables ou possibles, à chaque niveau et chaque échelle (b).

Certes, et l'on pourrait te faire cette objection, cette seconde approche scientifique s'intéresse aux lois générales et non aux phénomènes particuliers : elle semble alors devoir évacuer tout singularité qualitative. La science est science du général à partir du particulier pour s'élever au général (induction, abduction), non pas vers une histoire de tous les faits particuliers réels passés et futurs (description infiniment précise des particuliers de cet univers dans le temps), mais vers un modèle réglé du réel total, c'est-à-dire un modèle logique du possible et de l'impossible.

Or les situations réelles restent singulières, même si on en dérive les lois générales. On s'y réfère pour élaborer les théories falsifiables et arbitrer entre elles (directement ou par probabilités interposées). Non seulement la singularité des compositions, des positions relatives et des intrications corpusculaires-énergétiques effectives désactive le caractère générique et ubiquitaire des éléments, mais les lois générales se doivent aussi – une fois isolées à partir de situations-types simplifiées – d'expliquer les nuances qualitatives radicales du réel. D'où, paradoxalement, une 'théorie du tout' digne de ce nom serait si détaillée qu'elle devrait rendre compte des conditions initiales de l'univers réel et de leurs causes (tâche infinie, régressive, ou spéculative) avec toutes ses suites actuelles ou potentielles, et deviendrait ainsi "science du particulier". Enfin, à cause de la régression que cela implique, notre système-univers totalisé lui-même apparaît finalement comme une Singularité.

Qu'il soit vu comme un continuum ultra-déterminé ou vécu comme une rave party cosmique, l'univers peut donc être rapporté à une multiplicité singulière. Unique.

Qu'il soit pris comme une immersion fluante agitée de spasmes de folie ou comme un hyper-champ définissable à l'infini, pris par le sentiment que tout est relié ou la description de détail des entités et leurs relations potentielles, le réel s'offre aux valeurs de manière secondaire, se rend ou non aux préférences actives des corps vécus, aux points de vues sur/chargés d'intérêts et d'émotions, instaurés par ailleurs hors de "ton" avis ou de ta "volonté".

Tu es participant-e, principe actif de la valeur en tant que jugement de valeur. La valeur existe ou non, selon toi. Tu alternes. Tu reprogrammes selon d'autres visions ce que l'évolution et la sélection naturelle ont programmé aveuglément jusqu'à produire ton corps conscient et singulier.

Tu coupes le courant et tu le rediriges, quand tu as les moyens et les "raisons" de changer le circuit ou même les règles d'évaluation.

*
Tu es ce morceau qui entrevoit ce qui la compose et qui l'englobe. Comme un pion de bois sur un plateau en bois qui tenterait de saisir les règles du jeu auquel il appartient à mesure que la partie se déroule.

Tu comprends que ta propre capacité à sentir, à retenir et à modéliser dépend strictement des mêmes lois que tout le reste ; tu réussis à élucider les structures plastiques de "ton" métabolisme et "ton" intelligence, nées du ballet fractal du monde et qui en font partie, qui en sont partie interférente.

Et sur la base de cette appartenance ontologique solide, tu saisis la logique de "ta" propre présence ici, maintenant, ta viabilité biologique relative, tu dénoues "ta" propre histoire évolutive et sélective à partir d'une boue fertile, tu entrevois en quoi précisément "ton" existence engendrée, perpétuée, est moment singulier d'une longue dérivation continue et arborescente, unique de part en part – par variation, épigénèse, adaptation phénotypique – mais toujours part du monde, part unique et jouée. Et tu vois tout cela grâce à la mémoire "technologique" de ton "espèce" instanciée dans la "tienne".

Car tu n'es rien, étincelle réflexive, corps-traînée, que la mémoire d'une expérience : avant ceci, maintenant cela – avant L et maintenant L'. En activant la valeur : avant bof et maintenant mieux ou l'inverse – avant dément et là NON, mais supérieurement (par extension du savoir empirique, résidu persistant du changement quelle que soit sa valeur).

Dans cet écart, cette différence que tu retiens, tu as l'idée d'une progression ou d'une régression, d'un avant et d'un après, donc d'un autrement et d'un ailleurs. Puis tu retournes cette idée, tu la composes avec d'autres souvenirs, d'autres prothèses et les pulsations disruptives que tu as sous la rétine et les doigts, tu la renverses et tu la projettes au-dehors, et c'est ainsi – tu gagnes l'idée d'un à-venir mobile et le pressentiment d'un horizon rempli, d'autres consciences et d'autres cieux.

Tout comme hier je n'avais pas compris ce que je comprends aujourd'hui, j'imagine qu'aujourd'hui je ne sais rien de ce qui arrive demain, sinon que cet indéterminé à venir existe déjà. Cette construction est asymétrique, elle joue sur le rappel de situations aux contours cristallisés, sur leur réplication et leur modification projetées.

Tu es unique, tu me l'as dit, tu as un semblant de contours – non, "tu" es un semblant de contour. Ton unité dépend d'une norme ou d'un ensemble schématique de formes et qualités vaguement reconnaissables – une silhouette et un corps de gestes "humains" avec leurs propriétés associées, attendues, attributs sexués, valeurs plaquées.

"Un" semblant de contour différencié dans un écosystème particulier, plus dense et plus varié, plus dépendant et plus poreux que l'on ne saurait admettre dans les cercles humanistes. C'est utile, tes contours posités, ce "tu", les "limites" de ton corps (pour commencer), rapportés aux archétypes anatomiques, morphologiques, normalisés de l'humain fe/m/âle en bonne santé (valeur valeur !).

Tu es unique mais là c'est générique, langage oblige. Le concept enveloppe l'idée d'unicité, de singularité, même si le nom commun, comme tous les noms, s'applique à tous (dans cette langue).

Tu es unique, et cela ne s'oppose pas aux déterminations perceptives ou linguistiques. Les contours et contrastes sont aussi bien des conditions de la singularité. Avant de saisir la singularité et l'unicité, il faut être familier de la découpe, même grossière, des qualités différentes, et leur comparaison, leur classement spontané. Un semblant de contours, oui, mais tenace. Alors le contour et l'archétype sont-ils réels ou projetés ? nécessaires, contingents, ou relatifs (à quoi) ? intégrés, malléables ? en soi, ou seulement relationnels ?

"Les contours", dis-tu, "ne sont pas purement réels, ni irréels pour autant", ils sont "une projection réelle", réels en tant que projection, mais pas réalité immuable ou élémentaire. Relativement à une conscience, un cerveau déjà entraîné, ou un corps-cervelé ? Les discontinuités qualitatives seraient naturelles, héritées, affûtées par la logique de sélection, plastiques, mais fondamentalement relationnelles.

Mais alors le "réel pur" qui "te" constitue en définitive "en-deçà" des contours... est-il neutre ? absolument indéterminé, ou bien au contraire absolument déterminé ? aucun des deux ?

Ontogenèse oblige, épigénèse "culturelle", perception informée, langage oblige... Tu es un peu découpée, à peu près reconnue, et après quelques réflexions "Tu es unique".
Tu es unique et tu changes. Des "molécules", aux contours tout aussi flous que "toi", bientôt seront ailleurs, ces molécules qui te composaient de manière alternée, dynamique, comme elles étaient ailleurs avant "toi", et même pendant que "tu" muais, assimilais, pelais et te régénérais. Tu changes, et bientôt les contours se dissolvent un peu trop.

Peut-être que "tes" mécanismes de synthèse seront à court de matériau, ou de comburant, peut-être que "tes" canaux usés se rompront ou se bloqueront, ou "tes" systèmes de régénération et de sécurité s'emballeront, "tes" cellules muteront un peu vite ou des "parties" se détacheront brutalement, et "ton" corps abritera soudain un peu trop de bactéries d'un coup, changera de fonctionnement, deviendra incubateur, plus "bactérial" qu'"humain".

Reconfigurée, modifiée, éclatée ou détournée : la stabilité cyclique sera jugée trop différente, ce qui se passe à l'intérieur trop atypique, trop peu cyclique et auto-entretenu pour être encore "métabolique", trop peu auto-régulé ou trop différemment, ses réponses trop éloignées pour évoquer un membre de tel genre, de telle espèce, de tel groupe type. Enfin, les traits un peu trop distendus pour être identifiés, pour évoquer une "semblable", pour associer tel système à telle entité personnelle alors connue.

Tu ne seras plus. "Tu" se sera dissipé. Au plus un résidu éclaté dans quelques systèmes nerveux, des symptômes de sevrage pour "celles" accoutumées à la proximité de l'ancienne nébuleuse.

Pourtant, dans cette ontologie nominaliste, on pourra dire que tu auras été, et tu auras été unique. Assemblage à la fois réel et découpé, senti et sentant et composé, vrai particulier temporel. En attendant, tu deviens qui ? Sincèrement, tout dépend, mais pas de toi seulement – de presque tout sauf "toi", et un tout petit peu de toi aussi, comme par accident.

*
Et maintenant re/donne-"moi" des contours, des contours d'entité dotée d'un haut degré de ressemblance avec "toi", prête-moi ce "je" que tu gardes jalousement depuis que tu étudies la philosophie, ad/met en jeu les traits archétypaux que l'idée postmoderne de FLUX a feint d'effacer, avoue "tu es là, tu 'parles' depuis tout à l'heure"

C'est marrant, je te vois et tu es quasiment à l'envers, ou de trois-quart et toute libérée, puissante, dans le réseau caché des filins et des câbles réels invisibles. Multiple de capteurs vivante et fragmentaire reproductif, unique, tu agrèges, tu digères, irradies, interfères et tu fonds

Tu malaxes car tu es malaxée, bien axée sur l'oursin versatile du réel, noyée dans les champs d'un réel encore bien mal connu, agile dans le jeu des échelles et habile dans le calcul des référentiels

Et "nous", ce "nous" unique tout comme ses composantes, sur le fond du reste et des autres, serions-nous comme une combinaison nouvelle parmi des millions, prête à être répertoriée sur le tableau des éléments anciens, ou comme une réaction chimique exotique qui met en échec le syst_mERROR ?

Serions-nous comme une équation différentielle irrésolue, ou plutôt comme un paradoxe logique inédit ? Comme une "même" particule affectée d'un minime décalage avec "elle-même" ou deux ondes qui se renforcent ou s'affaiblissent de loin en loin dans la tempête ? Comme une fratrie nouvelle – sœurs adoptives – ou des cellules gliales fonctionnellement équivalentes devenues un même astrocytome ?

Serions-"nous" comme des plantes épiphytes, seules survivantes et endémiques, uniques spécimens au potentiel symbiotique palpable, qui s'embrassent l'une l'autre en tant que chiasmes ou boucles étranges ou contorsions de l'unique Unique (neutre), avant qu'il "nous" déphase ?

Ces comparaisons ont-elles seulement un sens, et des limites, avant qu'on les accule au suicide ou qu'on les force à s'entretuer ? Je précise, un instant

Serons-"nous" ces uniques réunis, si l'on peut dire, en entité juste-un-peu clairvoyante, là où le langage est une prothèse ou une arme comme une autre – c'est-à-dire modulable et customisé, modulateur brutal et vital de matière, et bien ou mal, et bien et mal ?

Serons-"nous" cet hybride absolu, même hésitant, sans valeur – ces contours impossibles à délier... pour un temps ?

Et si, hors valeur, n'importe quel "nous" arbitraire en est l'équivalent tout aussi singulier – unique et parfait en son genre – pourquoi ne pas nous jeter dans l'arène du bonheur ?
   
Tu es unique (si l'on peut dire)
réflexions avril 2015

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