12 nov. 2020

[Kogijet] Note fictive (trouvée dans une photocopieuse) sur la situation des idées scientifiques dans les sociétés libérales

  < Dans une société libérale réussie, les savoirs scientifiques paraissent être une forme de production culturelle parmi d'autres, tout en retenant une part plus ou moins bien comprise d'ascendance symbolique et de priorité dans la répartition du pouvoir (du fait de l'effectivité ingénieure de leurs résultats et de leurs potentialités techniques, qui peuvent régulièrement exprimer leur supériorité et leur versatilité morale à travers les libertés d'entreprise, de création, et d'accès au pouvoir). [...]

 Les instruments de l'auto-modification culturelle d'une société libérale ne sont pas plus grossiers que ceux d'une société plus traditionnelle, dans le principe (éducation comme transmission privilégiée, éducation comme apprentissage formateur, information et discussion par les médias, sciences et technologies de contrôle et d'auto-contrôle psychique, valorisation économique et symbolique de l'innovation, méthodes de sélection sociale décentralisée des idées, hiérarchie sociale des priorités légitimant la canalisation des désirs et la modification occasionnelle ou profonde de leurs objets, caractère viral des idées, valorisation adaptative de l'excellence, etc.). Mais leur effet est nécessairement moins centralisé, et plus diffus. Ce serait le cas, même si la liberté individuelle n'incluait pas la liberté d'être ignorant.e, et même si l'ensemble des membres de cette société continuait à partager une base scientifique commune dans leurs croyances sur ce qui existe ou non, et sur la manière dont l'univers fonctionne (avant et malgré la divergence des valeurs et des projets de vie). [...]

Parmi les effets adverses les plus dangereux, on note celui d'une spécialisation extrême des savoirs, à la fois requise et intensifiée par l'innovation théorique et technique, requise et intensifiée par la division économique du travail. Ces effets deviennent critiques – à même de déstabiliser la cohérence du projet social ciblé – lorsque la masse et la complexité des connaissances augmente sans que les capacités de savoir ne soient artificiellement augmentées, jusqu'à être dépassées. Un signe prophétique : 'lorsque vos spécialistes de la généralité et de la médiation développeront leurs propres langages et se perdront au sein de leurs propres révolutions théoriques, vous saurez que la fin est proche...' [...]

Comme nous l'avons suggéré, cet état des choses est partiellement contré par la supériorité matérielle des productions et des savoirs technoscientifiques. Mais ce n'est évidemment pas suffisant à l'établissement d'une société technocratique volontairement autoritaire et pleinement méritocratique, seule à même de maximiser le bonheur des êtres sensibles, et ultimement, l'influence du vivant sur le tissu de la réalité. >

– Anonyme, "Quatrième rapport sur l'avenir des savoirs technoscientifiques dans les sociétés libérales terrestres à la fin de l'Holocène", in Cosmic Utopia Review, 1977 (fictif, trad. perso)

#autopoiesis #technocracy #posthumanism #sciences #opensociety #liberalism #culture #evolution

Aucun commentaire: