8 nov. 2018

[Jet] D'un calme brutal (/ Comme un-e autre)


« C'est déjà une sensation bizarre de réaliser que la statue est en réalité un dragon, alors qu'on vient de la caresser négligemment, avec une tendresse blasée, en tant que statue. C'est encore autre chose de réaliser que la "statue" n'a pas bougé parce que c'est le dragon, curieux mais retenu, ni s'imposant ni offensé, parce que ce serait ça, un dragon [...] ?

Une chose douée de l'avant-dernier degré de la brutalité mentale, émotionnelle et sensitive, qui fait sans arrêt tout le chemin inverse en elle-même, sans apnée, dans la respiration d'une seconde nature ? Une chose dont la paix ressemble à un vortex, une force irrésistible qui tourne parfaitement sur elle-même, réinvente ses formes circulaires sans perdre en intensité, sans déborder ni se retourner contre elle-même ?

Une chose sûre de sa force, et trop intelligente pour se croire exceptionnelle – à raison : les dragons sont million, avec et sans visage – ? Une chose qui doute de ses faiblesses, qui a cessé de s'en battre, de s'en faire des alliées ou des excuses ? Une chose qui ne croit plus au mérite, consciente que tout le reste l'a faite telle qu'elle est, mais incertaine sur les formes à venir, qui ne se pose jamais aucune limite, laissant le futur antérieur dévorer celles qu'elle n'aura pas su déborder ?

Une chose qui a pu reconnaître l'objet de son déni, le plus désagréable, a dû apprendre à désamorcer sa tendance défensive à la rage, au drame, à la panique ou à la fuite, sans le moindre plaisir ? Celle qui est revenue faire face aux autres dans la même expédition malgré la blessure égoïque, la honte, sans le mettre en avant, toute prête à réparer ses torts et faire le taff ?

Une chose qui n'a jamais renoncé aux autres,
moitié pour les mêmes raisons moitié pourquoi faire simple, dont le jugement et le pardon sont toujours à l'affût, sagaces et inventifs, insubmersibles, adaptatifs, proportionnés ? Une chose qui se traite soi-même comme un-e autre et considère les autres comme des soi, dont l'exigence brûlante est une proposition intime ou un sourire de défi, dont l'indulgence est repos amusé ou piège tendu ?

Une chose qui a cessé de se craindre et, par conséquent, se désintéresse de ce qu'elle est pour se fondre dans ce qu'elle peut devenir, devenir grâce à d'autres, une chose qui peut négligemment caresser une statue, savoir qu'elle s'est trompée, sentir que si la pierre était tiède, ce n'était pas sous l'effet de quelques heures de soleil, mais l'effet de surface, accompli, stabilisé, d'un autre brasier luxuriant et banal [...] »

— Eirin Wassem-Tórild, 'Mes ennemis menacent de disparaître', 1999, inédit (trad perso)

12 oct. 2018

[Poé] And of course, I've been sleepwalking


I've been
Tethered to the ceiling

Ocean bed, up there
All the living memories
I want to share
All your faces, smiling

All the people I met

They've seen, or did they
Seen through — somewhat
Or did they just

Of course I've been — somehow
Sleepwalking

A light brush, à peine

A caress, dismissive or
Willful that is deep down
Afraid (that's bold! that is afraid?)

I've been

Falling upward again
Ocean bed, up there
Good morning dear, à peine
Even though you're not here
Now I can sleep again

Tethered to no ceiling

'And of course...'
, october 2018

25 août 2018

[Jet] Abu-limbo, me suis trouvée perdue


Checkpoint arabe surmâle, regard Ray-Ban au racisme policé, mis en scène. Charité faite aux négligeables puces de mon Passeport et de ma Carte. Passe-droit temporaire, visa précaire pour VISA plafonnée. Bloquée en zone tampon, no woman's land, calendrier lunaire, Shariah surprise, essuie-main pakistanais, retour case couloirs circulaires. Terminal en ogive fini mes dattes, mon Lindt défiguré. Tachycardie devant le stand Rolex (le même ?). Fumarium sino-malais(e). Apnée spirituelle. Accoudoirs anti-somme sans sommation partout. Dans les coursives tropicales, j'abandonne la boussole. [?]

Dehors, mon hypothalamus n'en croit pas ses yeux : il est minuit, voici un soleil au zénith, tout est normal. Mon troisième vol est avancé à hier, mon deuxième retardé à demain. Mes yeux contredisent ma mémoire : le soleil n'est pas une boule mais une langue d'acier à blanc qui torréfie un tiers du ciel. Ma peau ajoute : des mers de gaz fondu y pleuvent à l'envers, au ralenti, en continu. Météo de la nuque : pluvieuse, puis brune, risques d'épluchement. Aéroport-mosquée. Hôtel-colonne, 31e vertèbre. Coffre-fort digital, brunch thai. Surveillance rapprochée. Si vous y prenez garde, les nervures du marbre montent et descendent à la fois. [??]

Le temps se ferme sur lui-même comme l'exuvie desséchée d'un petit crabe : je l'écrase dans ma paume et je l'ingère, nostalgique. Force tellurique, le marché fait éclore le désert, qui lui prépare en retour un mausolée aveugle et sans pareil. Et quelque part au-dedans de ce cirque (inhumain, seuls qui en valent la peine) me suis trouvée perdue, hors sentiment de l'un ni désir de l'autre. Dans les coursives un instant et soudain, on ne m'a pas même trouvée disparue

Eirin Wassem-Tórild, Abu-limbo..., 2018
 

19 juil. 2018

[Jet] CONSEILS IMMÉDIATS POUR SAÏMIRIS TRISTES OU VINDICATIFS-VES


Respiro
À fond, débloque mon petit diaphragme et gonfle, retiens mon souffle et expire de manière prolongée, 4-7-8' sur les doigts ou 6-9-10' sur les doigts-des-pieds, pi me-débouche le canal avec de l'eau-de-source

Tena
Me l'impression que mes épaules peuvent en porter autant, peut-être y-même plüs, quand je les relâche et que j'assouplis mon petit cou, détena, détena moù

Douchu
À l'eau chaude puis à l'eau tout-glacial, au début, fin ou bout-en-bout, qui bouste mes images de lâcher-prise, de rugiement, et mon système imunitür

Orti
Toujours préférer la sortie de troupe, de quand je-ne-suis-pas-sûr-e, pisque éj-peux toujours partir si les cris des autres y-deviennent trop aigus ou trop répétitof-tof-tof-tof

Dédusion
Rien n'est normal ni anormal pour un-e saïmiri wôke y awäre, oh le normal m'enchaîne la tête et les pattes, alors me débarrasse de telle-celle illusion, trop singe dès qu'elle me cesse d'être utilü

Miroi
Me reviens ici souvent, un lieu-dedans, qui terrifiant avec la vérité, avec le singe-moi sans regard du dehors, avec l'amour no-stress, personne-peuve-piller, avec plein de cadeaux et sans pitié

Muan
Toujours été content-e après avoir changé de mes fruits préférés, d'images et de ritulles, mais n'est jamais facile, continuer de l'essayer, joli zéro pointu idantité

Ourirou
Me quand je force mon museau à sourire dans le vide ou le métro, me trouve ça un peu bête, et ça fonctionne, ça fait sortir-mùir le rourirou

Guirir
M'assume d'abord la mienne de part, petite ou grande, pi me-défends du singe violent ou de la sapajou qui blesse en essayant de ne pas lui ressembler, pi faire-justice, ou pardonner tout ça viendront après, ou pas, y me-défendre sans re-blesser toujours toujours bien plüs luisan

Canopé
Me souvenir, si j'urine bien mes pattes et mes mains elles accrochent mieux, et les autres sentent que j'ai déjà mangé les besta fleurs et les joufflu chënilles de celle-ci branche, et me souvenir, tous les chemins en-mènent à encore plüs de chemins



15 juin 2018

[Poé] Toute baignoire


Toute baignoire est illusion

L'eau qui vient de nulle part
Le sale
Le savon qui bave
Le transfert de gloire
Le propre
Le chaud
Le cerveau qui râle
Le trou qui avale ça
Le corps qui pèse un million
Le froid
Et surtout
La paroi
Intérieur / extérieur
Zoo-land Entropia
Ou porcelaine skate-park

Je vous l'avais bien dit
Nous
Nous
Baignons dans l'illusoire

Et c'est bon
Qu'est-ce que c'est bon

Toute baignoire est illusion, juin 2018

28 mai 2018

[Quasikwot] "Je suis Yxunomei." (Icewind Dale)


Des aventurières de la région de Luskan sont mandatées pour retrouver la trace d'un puissant artefact divinatoire qui protège la frêle présence humaine dans les contrées hyperboréennes de l'Épine Dorsale du monde.

Dans les tunnels ténébreux d'une montagne vénérée par les grands serpents Yuan-Ti, les apparitions déroutantes se multiplient : une fillette au tein pâle semble poursuivre les héroïnes et les menace, avant de disparaître à nouveau. Ancien sortilège ? Âme perdue ? Daimon vindicatif ? Avatar divin d'une parèdre en mal de fidèles ?

Le tunnel chthonien débouche soudain sur une salle éclairée, immense et somptueusement meublée. La petite fille se tient au centre de la pièce, enserrée par une débauche de corps serpentins, de bras, d'exuvies et de luminaires. Au fil de son ultime dialogue avec les aventurières, elle révèle sa véritable forme...

 

« — Nous sommes à la recherche d'une pierre unique. Quoi que vous soyez, nous ne cherchons pas à vous déranger : plus vite nous l'aurons trouvé, plus vite nous pourrons partir de votre montagne.

— Oh, c'est bien cela qui pose problème. Voyez-vous, la gemme est en ma possession, et je me réserve d'en user. Simple ingrédient, mais plutôt rare, en effet : catalyseur de l'effloraison dystocique à venir. Ce monde n'est qu'un champ de bataille parmi d'autres, pris dans une vendetta qui vous dépasse. Renoncez donc.

— Nous venons au nom des habitants de l'Épine. Vous n'aviez pas le droit de dérober leur patrimoine.

— Votre tentative d'intervenir dans les évènements qui se déploient autour de vous sont comiques, tout au plus. Vos motivations sont si... simples, comme toutes celles des êtres de cette planète. Mais je choisis de m'abaisser. Je n'ai aucun désir de remplir le rôle de "monarque" : je prépare simplement le retour d'un ennemi ancien, et me contente de placer les germes de sa chute dans le cadavre de votre monde, comme je le fis pour tant d'autres.

— Silence, cryptique prophétesse de malheur ! Assez de mensonges. Nous ne sommes pas des femmes naïves. Où est la pierre ? Tout ce que je vois peut saigner, et tout ce qui saigne peut mourir !

— Vos notions d'honneur, de panique et de douleur sont ici insignifiantes, comme les notions de mâle et de femelle, qui ne me concernent pas. Vous ne connaissez pas le rôle des pores de votre peau, et les circonvolutions de vos nervures vous sont inconnues. Lorsque vous grattez la coquille de votre monde, vous arrivez au mieux à faire suinter un peu de philosophie : celle-ci se révèlerait être corrosive, mais vous peinez à l'appliquer. Il vous faudrait ronger votre réalité jusqu'à l'os pour espérer entrevoir la mienne. Mon sein abrite de véritables usines de vérité. Leurs danses sont si étrangères à vos consciences que les ombres des premières suffiraient à faire fondre les secondes.

— ...

— Vous êtes si fiers de barboter un instant à la surface de la boue primordiale, mais cette fierté elle-même reste tiède. Bien vite, vous étouffez, pourrissez, puis disparaissez comme les millions d'autres. De petites crevettes, parfaitement ignorantes des pachydermes célestres qui sculptent vos rivages et vos lignées entières. Et mon essence participe de tels astres obscurs. Lorsque je cille, une marée infernale inonde cent nations idéales, cent citadelles de pensée dans leurs cosses de vide. Par mes édits, je fais pleurer les dynasties de cristal : nuages de sarin et de bonheur. Car il s'agit d'une lutte de principes. Une campagne cosmique au profit de vérités fondamentales, des océans de conviction s'écrasant sur des dogmes de basalte, entraînant le devenir spirituel de mondes entiers, de mondes qui ont osé renier leurs origines, si contrairement à celui-ci ! Car je vois des formes miroiter dans la glèbe la plus commune de cet univers : la lumière du plus petit scorpion n'est pas si insignifiante qu'elle ne filtre à travers le grand océan que vos sages les meilleurs nomment "chaos originel". Mais les éons qui m'appellent contiennent leurs propres pièges, et je ne peux souffrir de déviation.

— Que, quoi... Non, c'est impossible !

— Je suis Yxunomei. Je suis soldate et dévouée, subtile et magnifique, toute prête à remercier et demander pardon, lorsqu'une perfection supérieure vient à éclore. Le broiement passé des grains futurs vit ma naissance, et encore longtemps après ma disparition, je bercerai le blé noir de mon foyer inverse, en vue de semailles dont les conquêtes présentes sont la moisson. À présent : flétrissez. »

 ★

"Dialogues d'Yxunomei", traduit et profondément adapté du script d'Icewind Dale, Advanced Dungeon & Dragons (Royaumes Oubliés), Interplay, 2000. Image : Lilura (screenshot).


15 mai 2018

[Kwot] Very far from understanding


"This was the first time that he had ever looked into the labyrinth of the human soul. He was very far from understanding what he saw...


... For the understanding of the soul's defencelessness, of the conflict between the two poles, is not the source of the greatest song. The source of the greatest song is sympathy"


Halldór Laxness

in Sjálfstætt fólk ("Independent People")


14 févr. 2018

[Apz] Fukken Millenialz




Nos corps sont modulaires, nos consciences auto-entraînées

Notre écologie est multicolore et nos amours aussi

Don't rain on my parade, moi l'hypocrite – concerned, unapologetic

Nous sommes faibles, nous le savons et nous avons

Du fukken pain sur la fukken planche (ou pas)

'Fukken Millenialz', 2018

15 janv. 2018

[Poé] MILLION


They came to me, demanding compliance
I took the knee in hidden defiance

I kissed their seal, played show-puppet
Carried their banner, and my sword

Carried out their will. What I harbored
Was not ready to emerge yet

Obedient and treacherous Xe who hastens
The advance of self-
defeating plans

False heir to their folly, mistook my zeal
For piety. They didn't catch the irony

As I outlived them all: their rotten

Wall, their mortal gods, their ashen

Throne. It was budding: sickening mold
A ravenous c
horus of things to come

And here it blooms: I am dark

Bryony, I am the garden and the lark

That which sees beyond beauty or decay
The porous Xne: gold, teal, vermilion

No more hiding: otherness found a way
For I am MILLION

 


 

17 déc. 2017

[Poé] Ylieu dédia


Ylieu l’aède ne chante plus. Les muses le musèlent, sa voix crisse et s’encrasse, la salive s’esquive...
Ainsi élabore-t-il ce plan saugrenu, périlleux : graver dix lieues de grève, monter au flanc des crêtes braver le temps bilieux, contracter une dette, croit-il, cueillir le son final. Ylieu s’élance, crapahute, à hue à dia vers le sommet tempétueux.
Voilà qu'il y est, au plat du vide, la peau bleuie et haletant, luttant du mieux qu’il peut : sans luth ni remède, sans diapason, délie son plus beau *La*.
Et un éclair crépite, et la pluie cesse un peu, et à une lieue de là, un vieux balbuzard dit : « krée, krée, yip, yip ». Ému, déboussolé, Ylieu s’écrie : « Il y a des dieux ! », embrasse le plateau, bénit la Lyre et le Diadème, émet un râle et puis bascule.
Et c’est ainsi qu’Ylieu, sénile, fut sourd aux "éléments" les moins "mélodieux" : et c’est ainsi qu’Ylieu dédia ce mont pluvieux, ce temple nu, aux plus latents des dieux qu’il y a

Ylieu dédia — sept 2015 / repris déc 2017

merci à Pierre pour avoir remarqué que le résultat
d'un exercice de rimes valait la peine d'être repris

7 déc. 2017

[Poé] L'inverse d'un empire


L'inverse d'un empire : un plafond qui éclate
De là se multiplient les voix et les caresses
La légitimité du puzzle à X pièces

Et tu découpes celles qui manquent

'L'inverse d'un empire', 7 déc 2017
pour Fox (en secret)

[Poé] Mon empire

.
Mon empire est un sol qui cède et s'éparpille en pétales sous tes pieds
 

Chatouille plantaire et tu passes au travers
 

Je te donne tout ce que je possède : l'appui momentané d'un vide multicolore

'Mon empire', 7 déc 2017

16 nov. 2017

[Apz] Renaissance réservoir

 
« Je suis un monstre, je suis l'Hydre de Lerne, alors ce n'est pas très malin de réussir à me couper la tête »
 — Xval, ce matin

10 nov. 2017

[Psykogi] Devant soi-même (2)


Ce moment où il ne combat plus rien d'extérieur. Il aura mis le temps, et encore, rien n'est gagné. Ce moment où il sent et sait, sans le vouloir, qu'au-delà d'un certain point – un seuil atteint – ses raisons deviendront définitivement des excuses, et ses revendications légitimes se changent en imprécations ridicules.

Mais il est perplexe, il résiste : "NON ! Je ne me suis pas apitoyé : j'ai pris soin de me battre... Et je ne l'ai pas caricaturée ! J'ai pris soin de corriger mes réactions, dans un sens comme dans l'autre, j'ai retenu ma rage et limité ma parano... Je l'ai prise en compte, j'ai... Tous ces efforts, mais je devais apprendre à dire non ! à poser des limites !, peux pas renier ça, ni accepter qu'elle ait..."

Il commence à sentir que tout ça ne change rien. Ce n'est pas qu'il ait eu entièrement tort, ou qu'il n'avait aucune raison d'avoir la rage, ou qu'il n'ait pas fourni d'efforts réels, que son investissement ait été frauduleux, insuffisant, ou mauvais. Il a certainement manqué de prendre au sérieux certaines choses, il a discrédité, blessé à tort, lui aussi – mais ce n'est pas cela non plus. Ce n'est pas qu'il ait eu tort d'apprendre à dire stop, ou qu'il n'ait eu aucun mérite, ce faisant. Mais ces choses ont été établies, reconnues en partie, et passé le point où il se trouve, doivent être dépassées car elles le peuvent.

Sinon, s'il s'obstine, ce sera à lui d'être faible, lâche, et un poids pour lui-même. Ce moment où il doit se vaincre lui-même, et que personne ne l'y force plus, que rien d'extérieur ne le contraint à la souffrance et que personne ne lui impose ce combat ni ne l'attend dessus. Tout le monde a bougé, ou peut-être pas : cette question ne le regarde plus.

Ce n'est pas qu'il soit devenu une loque et qu'il comprenne qu'il doit se ressaisir : c'est très bien d'avoir réussi à ne pas devenir une loque et de s'être imposé de faire son lit et de se lever pour aller au travail, de ne pas s'être permis de faire du mal autour de lui parce que lui avait mal : c'était très bien tout ça, bravo mais on s'en fout. Regardez-le, c'est rare : à cet instant, il voit et sent qu'il est véritablement seul, et il débat (se débat) encore un peu avec lui-même, cherche à détourner son regard de cette pensée. Il sent avec terreur qu'il pourrait vraiment choisir d'abandonner la justice (contre elle, contre lui) et la perfection (contre soi, contre elle), et le combat tout court. Et ce serait juste et parfait, si ce n'était pas si difficile.

Ce moment où il se passerait bien d'être lucide, où il doit se défaire des légitimités et des mérites qui le plombent, en plus de se débarrasser de l'adversaire de fait (à tort ou à raison, encore une fois, on s'en bat), et non seulement parce que "elle" n'est plus elle : devenue spectrale et fantoche.

Ce n'est plus de son ressort. Lâche tout ça. Laisse tout en plan, car tu n'as plus aucune excuse. Ça y est, il pige enfin : ce n'est pas un pardon, ni un oubli du mal (d'elle, et de lui-même), ni un déni du bien (dont elle a bénéficié de lui, et dont il a bénéficié d'elle, tellement profondément – il oublie bien vite et trop souvent ce qu'elle a fait pour lui, ce qu'elle aussi a pu faire d'impossible pour lui).

Ce n'est ni un move tactique, ni une contre-attaque, ni une défaite : c'est une sortie. Une sortie de l'évènement de la séparation, une séparation de l'évènement. Une put*** de Aufhebung grandeur vécue, un vrai moment de liberté et de bonne foi sartrienne, un dragée de générosité cartésienne sorti de nulle part.

Shit happens. Acceptation, et si personne ne lui impose ça de l'extérieur, il ne peut plus se plaindre ni montrer du doigt : ce n'est plus le même jeu, et pour le moment, l'autre jeu, celui des rétributions, est hors-circuit (FIOU). Nécessité d'agir, de se bouger le gras, mais nécessité devant soi, hors de tout regard, de toute justification, qu'elle soit mauvaise, biaisée et nuancée, ou légitime, dehors de toute injonction, de tout reproche réel ou imaginaire, de toute compensation, de toute vengeance ou manigance externe, et sans aucune attente envers un-e autre ou l'avenir. Dehors soi-même, et face à soi, très seul. Ce n'est pas du tout amusant, et ça lui provoque sourire amusé. Ça y est, il y est.

À la limite, s'il y a quelqu'un en face, c'est une fiction impitoyable de soi-même. C'est le Major – Motoko Kusanagi, celle dont le cœur n'appartient pas, et ne t'appartiendra jamais – qui, impassible et sans être excessivement impliquée dans ton cas, te fout une gifle en pleine gueule et te dis froidement qu'elle n'en a rien à foutre de cette fille et de sa faiblesse réelle ou fantasmée, et de ce qu'elle t'a fait, ou pas fait, ou refait, il y a dix ans ou ce matin : là c'est toi qui l'agace et toi seul-e, et tu l'ennuies. Elle se fait chier, et la ville attend – avec son cortège d'indifférences : terroristes d'État, corporatifs, religieux. Offre-toi une faveur : fais-toi violence.

Mais regardez. Il patine, ou plutôt non : il a perdu le fil. Il a décentré son regard, il s'en est félicité un instant, et puis en un sursaut, retombé dedans. C'est le combat glissant et impitoyable :
1 - vous savez qu'ici l'ennemi, c'est vous,
2 - vous sentez qu'ici aucune victoire immédiate n'est possible,
3 - et vous sentez qu'une fois le dos tourné, le combat lui-même vous échappera des mains, l'arène se dissipera et s'effacera devant toute pensée de victoire, tout plan d'action, aussi bien tordu que légitime
Je ne plaisante pas : ce ne sont plus seulement vos vieilles gerçures, vos vieux plis et tricks cycliques, vos recours réflexes et vos psychiques signature moves qui sont en jeu, ce ne sont pas seulement vos réactions de défense ou d'ego qui vous aveuglent, mais aussi les combats légitimes, les leçons apprises dans la douleur, les espoirs et la recherche honnête de l'équilibre des torts, même ce que vous aviez admis et reconnu, ce que vous avez gagné de haute lutte, et le statut de victime que tout le monde s'accorde à vous reconnaître...

Tout ce qui vous occupe vous replonge dans le calcul et menace de recouvrir le seul défi, le seul effort qui compte : celui qui n'a aucun public, qui ne sera jamais reconnu, pris en compte ou récompensé. La base. Impitoyable. Et glissant.

Il sent que tout est plus simple quand il n'en a plus rien à foutre de lui-même, et passé un certain point, un certain temps, passé un quota de pages écrites en souffrant et de séance de psy et de kiné, il est arrivé là. Il se lâche la grappe, prend la décision (libre, seul) de ne plus avoir d'excuse et d'être absolument intransigeant envers lui-même.

Le moment où le rictus invincible et meurtrier, né avec la détermination de s'en sortir et de ne rien lâcher, né avec la rage de s'en sortir vivant et d'obtenir ce à quoi il a droit, fait finalement face à soi-même, à la tâche insupportable, contraire à son essence, de réinventer la vie, d'accepter de mourir, de passer à autre chose, mais ça ne vous concerne pas du tout, ça ne vous regarde plus.


— épilogue

S'il réussit à confirmer cette lancée par quelques victoires sur lui-même, il devrait sentir qu'il peut aussi abandonner la culpabilité née de l'abandon. Il commencera lentement à pouvoir arracher la seconde peau du mépris pour lui-même et disperser le nuage de voix accusatrices qui alimente cette peau exogène, cessera de se sentir coupable d'avoir eu des besoins, d'avoir demandé des assurances, d'avoir cru aux paroles dites et de s'être attendu aux promesses faites. Il n'a pas l'air d'avoir cette force pour l'instant, mais surtout, il a une autre tâche, une condition préalable.

Je ne fuis plus dans le non-humain (anesthésie), le fusionnel (fantasme), le souvenir souffrant (mélancolie), ni l'oreiller (régression) ; je suis impitoyable et seul juge, mais ne juge que moi-même. Fierté : être normal. Perfection : utterly unimpressed by moi-même. Défi et secret profond : je suis passé à autre chose (quelque chose m'a passé à autre chose). Bataille inattendue et interminable. Mais je suis patient. Mes têtes repoussent, et elles retournent à leur business. Je laisse les autres s'occuper des torts et des mérites, je suis à côté de ça : j'ai un univers absurde à explorer et une existence quelconque à parfaire.

< Face it, move on for your own sake
And since you're there
Be f*****g awesome >


début nov 2017

7 nov. 2017

[Psykogi] Devant soi-même (1)



Devant soi-même. Si tu avoues être obsédéx par le fait d'avoir raison, cet aveu ne changera pas la donne. Au contraire : tu l'avoues moins pour changer que pour avoir raison en l'avouant. Cracher le morceau, c'est encore se justifier, chercher une issue honorable. Qui sait ? Surtout pas soi, surtout pas moi. Ta gueule, un peu, quand même – je me dis.

Évidemment, il arrive que ce soit la souffrance qui parle : hors les gonds, ça hurle et ça part en sanglots. Mais la plupart du temps, et même aux moments des aveux – devant soi-même – c'est le conciliabule, ça discute et ça prépare, ça complote, ça exige réparation, ça juge et ça compte les points, surtout les miens, les miens, les miens, mes précieux points.

Les vrais aveux existent – lâchés, admis, sans aucune autre visée que l'aveu, dans l'instant, mais c'est rare et précaire. Une simple défaite, sans excuses ni promesses, c'est doublement indécent. Le plus souvent, l'aveu est une demande de pardon qui s'impose comme suffisante, qui oblige une réponse, qui serait choquée de ne pas être accordée.

Et parfois même la personne s'inflige des aveux si sanglants, si lourds et si gros, qu'ils sont flatteurs. Devant moi-même ou devant les autres, je me reproche tout et trop à la fois : "elle va trop loin", et en s'accable ou s'effondre, de telle sorte qu'on ne puisse que l'apaiser, corriger les aveux, la relever, la consoler. L'auto-dénigrement pollue la reconnaissance des torts, et l'aveu se mue en facilité. Autre indulgence envers soi-même : faire mine de tout prendre pour ne rien devoir porter.

Par ailleurs, comme les rares aveux sincères et spontanés sont si précieux et immédiatement reconnaissables, si particulièrement productifs et si helpful relationnellement parlant, on tend à vouloir les reproduire, les mémoriser pour les réchauffer et les rejouer plus tard, en faire des instruments, même de manière inconsciente.

L'autre jour, je m'entendais me parler à moi-même dans ma tête, comme souvent, me justifier, rejouer les dialogues, me donner les raisons, faire la liste, calibrer les évènements, les mots donnés et reçus, chercher un nouvel angle... Et soudain je me souviens avoir pensé : "quel bullshit...", à moi-même. J'étais en train de me justifier devant moi-même et devant les autres, à l'intérieur, tous ceux et celles qui m'accusent, réels et imaginaires, toute la culpabilité et tout le ressentiment, et légitime ou non, j'étais en train de (me) griffer, de me battre et d'ériger des palissades avec des échardes et des pitbulls en bas, et soudain j'en ai eu ma claque.

Je n'étais pas particulièrement malhonnête ou biaisé, mais j'étais tellement biaisé. Full of crap, en général. Absurde et négligeable : vain, tout bêtement. Le jeu entier m'a pari impossible, épuisant, inutile, dégradant. Le jeu décisif de la justice et des intérêts. Le jeu de l'honneur, de l'égo, de la réussite, des justifications et des valeurs. Ce n'est pas n'importe quoi. Mais le seul jeu qui soit ? Pas sûr –

La question n'était plus de savoir si j'étais partiellement ou totalement justifié dans ma souffrance, mon injustice et mes griefs – je l'étais toujours, au fond, et même à cet instant. Et je me trouvais cool et supérieur, indépendant, dans cette prise de distance, et je n'avais aucun mérite, et je me comparais en souterrain. Je ne cesse pas d'être ce pervers de l'auto-justification. Simplement, je fais un break, ou mieux, un exercice : je ris de moi.

Twist the spine
. J'essaye de m'en battre : l'attribution des fautes, des responsabilités, des prix ou des victimes. Ou encore : je les attribue globalement, rapidement, de manière ouverte et malléable, moins obsessive, et vite rangée. Une fois que c'est fait, je ne cède pas au désir de me mépriser : je tente de résister – de manière symétrique – à la flagellation, à la litanie du pauvre pécheur victime d’orgueil. Je remets la rétribution à plus tard, à jamais, une autre fois, quand et surtout – si j'en ai envie un jour – si d'autres me le demandent. Les personnes qui ne tiennent pas parole, plus ou moins faibles que moi, ou plus fortes que moi, peuvent bien exister et interagir avec moi, elles ne méritent rien, et je ne leur dois rien, et elles ne me doivent rien.

Pour l'instant et peut-être pour toujours : "on s'en bat". On verra, et concernant les torts dont je serais victime : j'aurai droit à l'erreur, j'aurai droit de ne pas respecter ce qui serait juste, j'aurais le droit de me tenir à mes intuitions ou non. Pour les torts qui me sont reprochés : je foncerai droit à la correction, à la réparation, sans passer par les aveux. The inconsistency principle.

D'ici là (virtuel), ce qui est certain, c'est que je sature d'entendre ma propre voix intérieure, qui cherche toujours à corriger, maximiser, prendre et donner, rendre et ré-attitrer, qui cherche à s'en sortir et à voir les choses correctement.

C'est là, et c'est comme ça, si jamais, mais je n'attend plus la raison ni la justice. C'est mal, mais cela donne des meilleurs résultats. J'ai le droit de m'en foutre ad vitam, d'en être libre tout en le gardant écrit quelque part : je cesse de ma promouvoir mentalement et d'être le gardien de mes propres intérêts. Mes bullies peuvent bien gagner et en jouir. Et alors ? Le futur est différent, ma vengeance est déprimante. Cut the crap. Bah blah whiny crap. Mute. Stop. Disconnect –

C'est à cause de moi ? Ok, c'est moi. C'est à cause de toi ? Ok, c'est toi. C'est personne ? Ok, c'est comme ça. C'est nous deux, mais un peu plus+ de sa part ? Ok, ok, certes, et surtout done. Et maintenant je fais quoi ? Je répare, ou je publie mon état. Je propose, je tord les attentes, je déjoue le pathos. Zéro vénère, c'est inutile – ou alors j'écoute celui des autres. Zéro ajout, zéro drame inutile, et si tristesse il y a, on laisse venir, on la respecte, et puis elle passe. C'est tout : reste les autres comme ellils sont, l'utile, l'instant, l'étrange, les possibilités nouvelles, l'indépendance, les plans d'avenir, les risques entendus, les nouveaux horizons. Mais les pleurs et les poing sur les murs « j'ai dépassé la dôse », comme dirait l'autre.

En théorie, et de manière générale, la maxime de l'indépendance réciproque fonctionne très bien : < ne fais pas de tort aux autres, respecte leurs limites ; ne supporte aucun abus, n'accepte aucune connerie >. Free of charge by default, mais fidélité à la parole donnée. La version opérationnelle, tirée de la stratégie optimale pour favoriser la coopération et minimiser les abus en théorie des jeux : < punition immédiate ; pardon inconditionnel >. Mais elle n'est pas si minimale, bien au contraire. Devant moi-même, combien de fois est-ce que je la suis vraiment ? Quitte à ne pas connaître la justice, autant être aléatoire devant soi-même, et envers les autres.

Mérite zéro, rien mérité. Action et bien-être. Tactique et nouveauté. Acceptation et pragmatisme. Tout le monde est inclus dans le calcul, sans exception pour moi. Les conditions de la générosité, ou non. Tout le monde au même niveau que moi et moi au même niveau que tout le monde. Générosité de principe, dépassionnée, si possible, et sinon tant pis. Devant moi-même : les autres, autrement. L'échec de la justice idéale et des aveux parfaits libère l'énergie pour construire autre chose, ici ou ailleurs, au besoin – sans nier ni justifier l'abus, si possible. Moins ambitieux, plus réel. Et salement reposant.
début nov 2017

17 oct. 2017

[Poé] Rhubarbe crue



Aller jusqu'au bout
Terminer avec la pelle usée
Quand ça va mieux, se replonger un peu
Pour être sûr-e
Pour être sûr-e qu'il n'y a pas pire
Vous voyez
Vous aviez encore quelque chose à perdre
Et puis sortir la tête en souriant (ou non)
Tous vos alter egos autour de vous
Tous vos anti-fidèles inattendus et loyaux
Présents même lointains
Faire le pontage coronarien avec les ustensiles de cuisine
Et s'asseoir
Enfin
Mastiquer une botte de rhubarbe crue (dîner)
En discutant chimie et parfums avec cette fille
Une longue journée
Vous êtes allé-e jusqu'au bout


Rhubarbe crue, ou l'amitié au bout du tunnel
Lausanne, oct 2017

11 oct. 2017

[Apz] On the weaponization of language


"It is not enough to mark language as a target and to use it as a tool [to protect and promote objectivity]. [...] We have to surgicalize the weaponization of language, and diversify"

"When language is a minefield, invent semiotic helicopters"

— Wendy Thorzein, 'Tools of Posthuman Rhetorics
Symposium', 2020

1 oct. 2017

[Jet] La voie obscure (1) TEST TEST FLOW


TEST. TEST. CECI EST UN TEST SON & SYNC.

Picture some dude health goth standing in d'woodz. Ts' nite, ts' dark all 'round n' y'dn' see nodn'. Dude's start talkn' shit in'iz ead 'n sm' weiiird lingo. Yo' chek it oot or' noot

J'approche les deux oreillettes et les retiens à distance. Entre le pouce et l'index, je les tiens serrées à la base du cou, comme deux petites vipères. Elles piaffent, crachotent déjà leur jus immortel et percussif. Rien qu'un schéma, rythme étouffé, couleurs fantômes : une partition sèche ou un squelette qui danse, qui claque et se contorsionne, une version murmure-enragé, déjà très familière et très évocatrice, mais rien d'équivalent à ce qui vient. Pas encore mis les écoutrisses. Crachotent à quelques centimètres. Puis. J. Léz. App. Roche. Ah. Ww. Les. Coule, chacun-e et simul. Tanément, au creux des aurifices :


Hellooooooo. Le fluide syncopé m'envahit tout d'un coup – pris corps – épeux, voluminant, déversé dans les recoins de mon crâne, imbibant tout, baignant la vie entière dans un bad, bad groove mol et métal (so hip, k-pop, jay-spot, don' stop, etc.). Double morsure et venin en continu. J'ouvre lentement les yeux, et c'est maintenant l'espace entier – depuis la moelle des choses, qui meurt et renaît éternellement – l'espace entier qui vibre et qui pulse et hoche du fondement et valide. La forêt surchargée qui cesse d'être une forêt – bop bop – les restes d'un mur païen quelque part, qui ne renvoient plus à rien d'autre qu'à leur propre démence – bop bop bobop – toute pseudo-minérale, les objets noirs et les objets profonds – bop bop –, les fondrières, les monolithes moussus et fracassés, les insectes volants, rampants, sauteurs et l'air drapé lui-même : tout le monde approuve ma ziq et bop la "tête" les pédoncules et les antennes en rythme et 'duh!

Coz iff yo not agree widduz dark uni-verse, 'en okidoff. Ye$s sir, 'uhs't nok'd off!

Get back, tout est plongé dans l'ombre, tout est black slime ou mat /səˈblʌɪm/, chimie et rampage facial sans hiérarchie ni dominant-e – ce n'est pas un fantasme ni une vue de l'esprit : c'est un sophistiqué reboot mental – et le champ de la maîtrise qui ne débouche sur aucune supériorité, aucune propre-importance, aucun contrôle, aucune appartenance aux causes ni aucune possession des effets – la pure maîtrise des effets de changement, toute préférence rétractile, pavillon et shotgun du moment, pur plaisir amoral des rythmes et des formes qui s'invaginent, pur plaisir de l'intervention – La lala – maximale ou minimale, pas la question –

Revanche du placébo sur les amphés, du corps athlétique et cérébré sur l'idée qu'ils seraient incompatibles – alliance poussée entre cortex et trapèze, biceps et hypophyse –, confusion des clichés, revanche des gros-ses qui bougent à la vitesse de l'éclair et des perches qui mouvent au ralenti, revanche des asexuel-le-s extravertie-s et des "nymphomanes" du secret, des inventeuses qui grimpent aux arbres et des rhinos qui planent en faisant des maths – La lala –, et revanche contre rien ni personne si ce ce n'est l'illusion des schèmes et de la vengeance, tout marqueur d'équilibre absent (rien n'est too much ni trop peu, ni extrême, ni superficiel, ni harmonieux any more : tout est égal, tout est intéressant à son tour et tout est permis sauf l'ennui), bref le rush sans entrave, de facto toujours rather experimental – La la lala, bam bam

La pure maîtrise des effets : elle repose sur la pointe d'une épingle, nécessaire... et illusoire : les "lois de la nature", ces stocks de régularités modélisées qui me font l'amour tous les soirs et que je fous le dos au mur, pour les apprendre tous les soirs, en solo, en dépense physique et en beat – ces "lois" que je fous le dos au mur, sauf qu'il n'y a pas de mur, et c'est le vide qui fait office de balle dans cette roulette russe, quand le vide arbore la floraison du possible, l'arbre du million des possibles, le seul partenaire sexuel auquel je ne renoncerai pas, le seul sexe qui me fasse arracher les rideaux –

Tout émet – oh my! c'est quoi ce truc ? –, tout essaime – wow, crazy fungi –, tout est sciure, dont chaque copeau et chaque poussière, complètement folle et mégalo, se voit pulvérisé-e ou compacté-e dans un nuage sans précédent, rapide, lent (référentiel ? none), tour à tour midtempo, downtempo et nightcore, l'œuvre d'art pour le fun – le mien ? pas sûr, la puissance fuit de tout côté, elle me vient du dehors – mode principal : why not? oh, just no déjà-vu or déjà-fait – yes sir – tout est géant, génial, tout est matériau inquiétant (et moi d'abord : vous m'éclipsez), tout est prédatorial, tout est noirçure à digérer et "je" fais clairement partie des composants, ou plutôt du compost : l'identité est un déchet friable et (un) peu fertile, une coquille comestible, une pelure (trop) acide... – oh yeaa niou song 


Un million de points de vue oublient qu'ils sont profondément incompatibles et nés de chaque instant, éphémères : ils communient dans mon rêve sombre et sonore, lubrifiés par d'la bonne (keski, c'est d'la bonne) graisse auditive. Plasmode orange dessus : aveugle, exubérant, motile. Regard furtif d'un kinkajou féral, en contrebas. Ampoules de Lorentz : crépitent dans le museau des raies. Sporophyte à l'envers et rhizome de fougères. Caché, polype sans stade méduse, virage à 190°. Tout près, polymathe en détresse. Sporanges des algues rouges. Troncature de l'œil d'une libellule. Etc. DumDum. Wuzwuz. Kzkzkzkzkzk.

Renfonce tes mitaines, étire ton dos, craque ton échine, balance tes pieds, quelques passes, changements d'appui, au hasard, quelques sauts. Super-pouvoirs mon cul. Fatigue, normal. Tu veux la drogue ? Non merci, pas besoin

Mon crâne me fait déjà l'effet d'une plateforme de forage dont l'équipement usé pointerait vers l'extérieur, prise dans la canopée sphérique et tempétueuse de Jupiter ou un truc. Mes cavités oculaires, ressenties comme deux espèces de cônes de circulation invertis, deux congélos en entonnoir, creusés dans la chair d'une autre dimension – apparemment non-euclidienne – sur la paroi desquels se reflète un second ciel étoilé, sans constellation identifiée, au fond desquels une forêt sous-marine de cellules réceptrices ripaille au ralenti. Appendices négatifs, puits de lumière pour ondes déboussolées – lumière noire et boîte de Pandore : l'autoroute va dans les deux sens. Rappel mnésique en temps réel, ou modèle ultra-condensé. Rémanence extrême et superpositions. La mémoire lâche les amarres, enfonce le casque 'IMAGO' et propose librement au monde ses mutations plus vraies que nature, stimulantes, hallucinées

Les mains deviennent des espèces de tentacules fractales, sans dessus ni dessous, sans paume ni arrière, l'index donne lieu à un joli bouquet de stylos Bic incurvés qui vivent leur passion et s'expriment où ils peuvent (et frissonnent de plaisir quand ils ont terminé une phrase, comme certains chats comblés de gratouillis), le pouce perd le nord et se dilate jusqu'à devenir un genre de brume hypersensible (imaginez : vous sentez ce qui traverse votre "doigt", les variations texturelles de son intérieur et ses températures intimes, au lieu d'en sentir le contact en surface), et dans mon abdomen, je sens quelque chose qui organise des combats et des orgies, et les jambes n'ont plus du tout leur forme d'origine...

I've imag'nd a hundred ruh' legionz. I revelled in' ey' rites, cosmog'nic storeez and thee-o-logical sea-stemz. Deel wid' em' 'err noot, ts' yur moov. Nod or nokmei' ov, c'z oy dunf' okinkeir boot' dem' kendem' nationz yo

Je bouge, je hume, je trace, je m'éclate, je transperce, je grasp, je suis ingéré. Liqueur sous forme de procédure, alcoolémie instrumentale : techniques et outils de l'ivresse productive. Parcours de la santé mentale, la grande santé, celle qui rime avec la chute des illusions et des idoles, des garde-fous. Fermente, fermente vélocément mon encéphale, pendant que tu conserves tout et couve bien d'autres gâtisseries égoïstes, généreuses et globalement riches en trauma. La voie obscure dépasse la possibilité d'un nouvel érotisme. Sade renâcle, Bataille a bien creusé, Maylee aime et aime et aime. Laisser-aller, concentration, nouba zen et mnémo-reptilienne. Devenir-amour douloureusement silurien, solitaire, sans récompense. Aimer le ténia. Le bulldozer qui rase la vieille patinoire. Embrasser le bras en moins. Le baiser (infectieux ?) de la chauve-souris. Les éruptions cutanées, les acouphènes, les brûlures : souffle, respire, ce n'est que toi. Ce n'est que toi. Facile à dire. Personne n'est obligé-e d'essayer, évidemment –

Accroupi-e. Je halète, en sueur. Je brûle et je caille. Humus et pause, normal. Bientôt exit la ziq. C'est le moment. Remplacée par la présence et le rite. Shape, focus & discipline. Le silence et la sensation insupportée. Mais pas encore. Vagues scélérates et dernières salves d'abordage électro. La musique a servi son office. La musique est un vêtement à manger, un bain-repas, une labiale concassée par seconde, qui se tortulle et s'emmagasine sans se calmer, sans cesser de copuler avec les nouvelles venues, parfois des monstres, ou des éclopés, toutes les notes sont invalides et comme jetées par-dessus l'épaule, sur la roche Tarpéienne, d'où elles commencent à remonter la pente, zombesques, glaçouriantes, averse déstructurée ou lame de fond, etc. La musique, c'est un carambolage et une orgie où les générations naissent et ne meurent pas, mais participent avant de se fondre dans la fresque globuleuse à l'arrière-fond. Le final, dans un instant. Du moins, phase finale du conditionnement, de la préparation. Suis prêt-e –

Mon corps se tend : la voie obscure n'a rien de nocturne (éloigner tout badaud, si), elle s'ouvre à celleux qui savent élaguer leur-e corps et s'abandonner. La combinaison de mouvements obscènes et cannibales que je déferle sur les alentours. Le blasphème comme talisman ou videuse à l'entrée, un sigil comme plaisanterie protectrice ou plutôt sélective. La noirceur ? du jeu, de l'apparat. L'abyssal ? de l'instrument, de l'altérité radicale. Ainsi commencent mes rituels et leur signification résolument infra-religieuse, proto-religieuse, dans le ballet des possibles, entre les cuves du savoir, avec les sabres et les haches et les lances que sont les valeurs : mon imagination en acte, en cet instant, à cet endroit, et rien au-delà, si ce n'est le jeu léger de la conquête de l'univers, à savoir l'invasion perpétuelle de mon cerveau par le reste de l'univers et les conséquences que l'on sait –

Ne suis rien que l'item numéro 3 de la 9e recette. Om mani padme hum touça touça, l'équivalent martial et nietzschéen. Je "danse", médite la résistance de l'air et l'odeur de cette nuit. Ceci n'était, n'est pas la voie obscure – ceci un test, un test son et flow, un pauvre texte (et non "la chose"), un genre de vocalise pour mon Endymion, qui sera hors les mots, faussement élitiste et totalement déchaîné, fuck it, i'm down and dry but I'm so highh
~ ... ~
La voie obscure (1), TEST TEST FLOW
mai 2017, repris sept 2017

(Ben quoi ? Je cesse d'écrire comme si le hip-hop n'existait pas, et qu'il ne pouvait pas être cérébral)