«
Vous savez, quand j'expose, il y a toujours cette partie de l’œuvre qui
se ballade à l'intérieur, et qui a bien évidemment la possibilité de
modifier le reste des œuvres (les détériorer ou les améliorer, ce n'est
pas ma question).
Rien n'empêche les spectateurs de faire pareil,
mais ils ne le font jamais, même si on les y encourage ! Des fois je me
dis qu'ils tiennent plus au mythe de l'artiste que l'artiste elle-même.
D'autre fois, je me dis qu'ils ont peur de se reconnaître
dans le tableau, dans l'objet composé hors de la vue, recomposé à
l'arrachée, décomposé par des corps plus jeunes qui ne se connaissent
pas plus ou pas mieux. [...]
Oui, exactement, c'est le pendant de toute cette réflexion sur la
passivité des êtres. En 2013, je pensais encore que l'anonymat pouvait
transmettre efficacement l'idée que la "création artistique" est une
illusion. Je ne faisais que répéter : "Seul l'univers se passe, ouh ouh,
moi je ne fais rien, que passer..." [elle se caricature, rires]
Je crois toujours qu'il n'y a que le monde dans son ensemble qui soit
véritablement "actif". Mais passer, ça signifie tout de même participer à
une longue traînée de peinture, à telle soupe ou à tel carburant. Aucune cause première et souveraine, oui, mais cela n'annule ni mon
existence, ni mon nom temporaire.
Les intentions elles-mêmes sont entièrement produites, oui, mais ce sont des produits locaux, ultra-locaux ! [rires] Et si l'on a envie d'avoir des
préférences, alors il arrive parfois que les machines soient très
petites et les effets très originaux. Je crois qu'il reste beaucoup à déconstruire des relations entre l'originalité, la rareté, ce qui plaît et la valeur artistique [...]
L'exposition doit
d'abord être un lieu symbolique – ou non, plutôt un moment rituel – où
la rupture entre activité et passivité se dissout. Apparaît illusoire.
Alors je me tiens dans de cet espace-temps, au milieu des produits
non-signés que l'on m'attribue. Je ne suis pas au milieu de ces travaux
comme "au centre", mais au milieu comme "parmi" et "dans leur milieu".
Peut-être que ce n'est pas assez clair ? Ou pas assez novateur ? Vous
savez, j'ai cette idée de performance avec des animaux génétiquement
modifiés placés dans la même salle que des tableaux comestibles... »
- Iris Vardamantine, 2017.
en réponse à des questions après sa conférence imaginaire au GURJ #9, "Hommage à Pierre Huyghe", 21/11/2017.