26 déc. 2013

[Message] Etat des stocks fin 2013


Voici un long moment que rien n'a filtré ici - depuis Juin, à part des miettes ? - et ce n'est pas faute d'avoir essayé. Plusieurs raisons :

1 - Pour être insatisfait de tout ce que j'écris, comme d'hab

2 - Pour avoir commencé à lire d'autres auteurs que Faulkner, Novalis ou Borges, de nouveaux nids, de nouvelles guerres, et même de nouveaux genres :
2a - Dans les classiques Anglais (Melville, Hardy, Conrad)
2b - Dans la science-fiction, des premiers pas très immersifs, et rapidement spéculatifs (Van Vogt, pour commencer, puis Philip K. Dick, J. G. Ballard, Greg Egan)
2c - Des voix post-exotiques : shaggås, listes, entrevoûtes (Volodine & co.)
2d - Autour de la revue Inculte, d'autres dérivateurs postmodernes (Arno Bertina, Olivier Rohe, Bruce Bégout...)
3 - Pour m'être occupé de sciences et de théologie, de religion et de philo (le réel de la foi, le réel selon elle, puis ses transformations, ses formes nouvelles) :
3a - D'avoir fini mon mémoire de théologie, Prayer to the Limits, enquête sur l'intentionnalité de la prière chez Denys et Derrida
3b -
D'avoir fini Ten Gods (Emily Lyle), Cosmos, Chaos, et le monde à venir (Norman Cohn), Il y a des dieux (Frédérique Ildefonse), et avoir pris le temps de les digérer
3c -
De m'être enfoncé dans l'histoire scientifique de l'évolution, les faits, raisonnements et zones d'ombre à ce jour (surtout en génétique, éthologie) + implications philosophiques de l'évolution
3d -
D'avoir considéré les arguments chrétiens pour le créationnisme, la controverse sur l'intelligent design, les objections en masse, et être resté perplexe
3e -
D'explorer divers panenthéismes, pandéismes et nihilismes, d'Altizer à Ray Brassier, en passant par les lecteurs de Ligotti sur leurs forums pessimistes, par la matière complexe chez Morin et Dagognet, la contingence chez Meillassoux, etc.
3f -
D'envisager l'avenir de ce monde-ci et du suivant, en décroissance, survivalismes, en pluralisme radical, en art déflationniste ; tout en freeware et hacker manifestos ; ou tout en accélération, en eschaton transhumaniste, corporations techno-religieuses, etc.
3g -
D'avoir lu et relu les Principia Discordia. D'être devenu discordien (ou bien pas ?). D'avoir écrit des exégèses et palimpsestes, et les avoir lues à un ami. D'attendre la lumière d’Éris pour savourer un chien-chaud. Fnord.
4 - Pour avoir enfin comblé des lacunes inexcusables en matière d’œuvres vidéoludiques :
4a - Fahrenheit (wtf déception), The Longest Journey (oui / non), Beneath a Steel Sky (yeah!)
4b -
Portal 1 & 2, Deus Ex 3, S.T.A.L.K.E.R., Mirror's Edge. Esthésies remarquables, kinesthésies d'enfer. Consistances propres. Les Portal ont un humour unique, décalqué (axé sur la curiosité, la recherche)
4c - Planescape:Torment. Décisif. Le jeu et l'esthétique (narration, dialogues et ouverture). Indélébile. Thank you, Mr. Avellone & co.!
5 - Pour construire très lentement, en tir croisé, des textes plus ambitieux que mes poèmes. De travailler sur plusieurs chantiers à la fois :
5a - Sur la pièce intitulée Mordred cocu, joyeux remix hétérogène des légendes arthuriennes
5b - Sur un univers imaginaire, tout en formes de vie, cosmogonies, tout en guerres et en spéculations théophysiques - comme une matrice pour des fictions à venir (Kolùn Jalla)
5c - Sur un texte-flèche bien composite, Pour tracer dans les dunes, entre le manuel de combat et l'autofiction, au-delà de tout délai
6 - Pour commencer à travailler sur un petit projet de court-métrage avec mon meilleur pote.
   
7 - Pour avoir repris les crayons, l'encre et les feuilles A1, avec un bon paquet de cartes à jouer et cartes géographiques pour l'inspiration. De constater que le temps de la nuit n'est pas élastique à l'infini.


Nous y voilà, un genre d'état des stocks, petit mais tassé. Arbitraire aussi, et lacunaire. De temps à autre, dans le sillage de vos silences-radio (passé ou à venir), faites un état des stocks. Ça rassure les lecteurs-investisseurs, et ça vous donne un précieux aperçu des avancées, des retards, ou même des trucs sous-exploités dans votre cours, qu'il soit sous-marin ou torrentiel.

Dans les nouveaux imports de nature littéraire ou artistique, beaucoup de vois font écho aux intuitions qui m'habitent. Ou plutôt, mes intuitions leur font écho. Accentuées, intensifiées, tout ça concorde avec des conquêtes personnelles : bonne et mauvaise nouvelle. Bonne : je ne divague pas trop, d'autres dansent là. Il y a vraiment une vibe du non-humain ("je ne suis pas fou, si Pierre Huyghe l'a explorée si longtemps"). Mauvaise : je ne découvre ni n'invente rien, du moins toujours pas. Il faut encore se nourrir, et encore s'entraîner.

Or ces mois n'ont pas été sans écriture, car ils n'ont pas été sans livres, sans films, sans relations, sans distorsions imaginaires. Sans même parler d'exploration urbaine, des randonnées, des nages nocturnes, de la Chine ou des substances à inhaler - seulement des mots et des schémas, illustrations, néologismes et raisonnement : des frelats de réel, des receleurs de vérité.

Pendant ce temps, "n'avons-nous pas vécu ?" (dixit Montaigne). Maybe personne n'aura été conquis, blindé, abreuvé, noyé comme moi ces mois derniers ; ces mois derniers je l'ai été, toutes persiennes déchirées. Alors si rien ne se perd, que rien ne se crée, je vous le dis, tout ça (ce fracas monstre) ne perd rien pour attendre...

Au taff, le scriboulo : criblez, levain, repos !
C'est pour bientôt