24 mars 2013

[Lovée] Un tout petit vortex


Je me réveille avec un câble autour des reins, des plis de couette sur le thorax et avant-bras... Un drôle d'éther m'imbibe le crâne, un résidu de rêve jaloux

A la limite, prenant ma douche, me dis-je, en regardant le petit tourbillon avaler l'eau - la mousse épaisse - trouver de qui je tiens ce rêve, de quelle boîte noire ? Suis sur le point de me rappeler... de la rappeler

Je m'efforce de revoir son visage pour l'identifier, mais ses traits se dérobent, comme il arrive parfois au souvenir d'un être aimé : il s'échappe, le visage, se distend, c'est à peine avouable

Une seule issue, les réseaux clandestins, illégaux raccourcis pour pêcher le souvenir : sauvegardes et photos, particules de parfum emprisonnées dans un tissu... Chaque parfum agit comme un shoot pur de substance-mémoire, un portail de souvenir sans parvis, sous-marin. Bingo, j'te tiens : vapeur d'alcool de blé, labdanum, tabac profond, précis... J'ai sa taille, c'est ça, cheveux bruns, yeux gris, ses mains, tâches de rousseur furtives, mine rusée, fringues usées... J'ai tous ces éléments dans l'effet white-spirit qu'ils me font encore, in-tact - ses mains ! mais de qui ? - j'ai l'effet, les données, mais pas tout, manque la vie, le mouvement, je n'ai rien : il manque elle, son expression singulière, le charme de sa présence, l'énergie de sa voix

Mon rayon de mémoire a beau fixer l'image, elle se barre dans le flou, l'essentiel se dissout ; ses cheveux ultra-courts, violents, arrachent mon regard à la quête du sien, ça n'aide pas

Tu es celle qui habite la surface de mes rêves - concentre-toi, retrouve-la, où ? quand ? Rappelle, exhume, déballe, Rome-Termini, sortant du train ? Ou Flughafen Berlin-Tegel mille ans plus tard ?... Buenos Aires 2015 ? Dans son studio, danses et danses, aquarium crade et poisson-chat, je vois du matos d'impression, des matelas renversés

Mais ton visage rayonne d'absence - cette fille, ses voies d'éclair, ses rayons vrais, mon multiplicateur d'écriture - tes petites tornades - ses potes, rarement, pacte à deux immédiat... donc faux - je revis ton corps de rire, dans notre ville (où ??) ! - et l'amitié lisible à tous, dans toute la rue... France ?...

Un tout petit vortex me fond tes traits, un tout petit vortex se fout de moi, à moins que toi, toi, tes rayons d'ombre m'éblouissent la mémoire ?
Qui es-tu ?? Qui es-tu, **tain QUI. ES. TU.

A ces mots une voix d'outre-monde me perçai le tympan : "Toi ici ?! Que me veux-tu ...?"

quoi ?

"Tu es venu ici pour m'insulter ?
Pour saler ma misère de ton pardon ?..."


je me retourne

"Tu oses en rire au-delà d'une vie entière, et de la tienne aussi ?! Tu ramènerais jusqu'ici tes sales désirs - soit
l'ennui à nouveau croise les barres de ton lit ?!"

choqué, je ne peux rien articuler

"Tu ne dis rien... mon amour ? Peut-être est-ce encore pire que prévu, peut-être
Qu'un oubli tranquille couvre vraiment la carcasse de mon être... et mon nom ? Mon pauvre, décide-toi une fois pour toutes."


sans que je sache comment, pourquoi, mon cœur se tord sous les coups d'une vérité insupportable

je me sens vieille éponge sale ou tacticien stérile... j'élabore vite fait : "D'accord, tu te souviens... Moi pas. Tu m'es encore supérieure, c'est-à-dire vulnérable... en bien"

"Non. Tais-toi, s'il te plaît."

Un tout petit vortex te protégeait de moi




Un tout petit vortex   2013      

[Poékogi] Is quite exceptional


That I fear those I don’t understand is a general rule of caution
– good for those who wish to conquer the world


That I fear you much more, now that I get what you say, what you are, and who you could become
is quite exceptional

No open threat, no danger, no anger on your part
– just raw power, easy, generous, shaking the board on which I play


Tearing up the very fabric of my pride

 


 

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